Tous les jours j'essaye d'apporter mon aide aux voyageurs et visiteurs de ma gare avec, je le crois, une certaine conscience professionnelle. Mais toutes les formations et la meilleure volonté du monde ne sont que de peu d'aide face à certaines situations où, légèrement dépassée, je rêve d'avoir un service d'aide sociale ouvert en permanence à proximité...
La cohorte des voyageurs dévalisés
Vous qui avez l'occasion d'aller dans une gare : tenez ferme vos sacs à main, bouclez votre porte-feuille dans une poche à double-fond, ne posez rien nulle part et ne faites confiance à personne ! Je malmène l'image de marque des gares ??? Hélas, malgré les rondes permanentes des agents de sécurité, des policiers ferroviaires, des policiers nationaux et des militaires de Vigipirate, rien n'y fait : les malintentionnés sévissent toujours... Et devinez un peu où les pauvres détroussés vont aller clamer leur détresse ??? Chez le chef de gare bien entendu ! Qui les renverra vers la Police pour déclaration de vol, leur indiquera la Poste la plus proche pour se faire envoyer de l'argent et pouvoir ainsi payer leurs billets de train, leur prêtera parfois un téléphone pour prévenir leurs proches et effectuer les premières démarches, sortira si besoin ses mouchoirs en papier personnels, maudira haut et fort les pickpockets (et, in petto, les insouciants), ...
Les voyageurs assez autonomes pour se perdre...
Les enfants perdus ont déjà été évoqués ici mais que dire des majeurs qui ne sont pas totalement adultes ??? Dans les flots et flux d'une gare, on trouve logiquement le même pourcentage de « grands enfants » qu'ailleurs avec les mêmes difficultés inhérentes à leur handicap léger pour se repérer, se débrouiller et arriver à bon port. Les cheminots, parmi leurs multiples défauts, ont la fibre sociale, voire affective, et se mettent généralement en quatre pour aider les moins autonomes mais la situation nécessite parfois l'intervention du chef... comme ce couple débarquant à 23h en gare et persuadé, à tort, que sa sous-préfecture est desservie toutes les heures, nuit et jour, 7 jours sur 7. Pas de connaissances sur Paris, le stress qui monte, la parole qui s'embrouille, les larmes qui pointent... Allons, rassurer tout le monde, réserver une chambre d'hôtel, prêter un chariot à bagages et flécher le plan du quartier n'est pas exceptionnellement difficile et fait de bon coeur !
Aliénés en liberté
Le mot semble fort ??? Il est pourtant clairement inscrit sur le certificat médical de cet homme qui arrive de province en « voyage pathologique » pour se rendre à l'hôpital psychiatrique Sainte Anne. Découvert dans le train par un contrôleur compatissant qui l'accompagne jusqu'au bureau d'accueil, le voici remis aux bons soins du chef de gare sauf que... L'hôpital Sainte Anne ne peut pas venir le chercher à cette heure avancée de la nuit ; la police de la gare refuse de s'en occuper et renvoit sur le commissariat de quartier ; celui-ci n'a pas les effectifs pour le prendre en charge ; le monsieur voudrait ses médicaments mais ne les a pas sur lui ; le numéro du Samu Social (quelqu'un a une autre idée ???) est occupé ; Sainte Anne ne répond plus non plus ; le monsieur commence à s'impatienter ; les pompiers ne peuvent rien faire pour lui : help ! Il faut savoir être ferme : le chef de gare embarque le pauvre homme sur un fauteuil roulant et le confie de force au poste de police de la gare (fraiche ambiance) à charge pour eux de faire le nécessaire (ils le feront) !
Tout cela vous semble bien normal ??? Moi aussi, mais cela n'est pas dans ma fiche de poste et les heures passées à porter ainsi assistance ne le sont pas à s'occuper des trains à faire partir à l'heure (au hasard)...
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