Un jour vient où vous ne savez plus... combien de morts vous avez connu.
C'est finalement assez banal et vous êtes bien loin de la réalité d''un médecin, juste un intervenant dans un lieu public qui se retrouve face à ce qui arrive de manière ordinaire dans ce type d'endroits. "Connu" n'est d'ailleurs pas le mot approprié. Vécu, subi, accompagné, suivi, géré, assisté, ...
Cela ne se fait pas trop dans la maison de parler de nos morts. Parce que nous sommes nombreux à y être confrontés. De manière plus ou moins violente. Sans hiérarchie aucune, chacun a son souvenir. D'avoir tapé. D'avoir été appelé. D'avoir ramassé. D'avoir été là. D'avoir dû organiser la suite. Au rythme de bientôt 2 suicides par jour sur le réseau français. Et sans chiffres précis sur les décès dans les trains, dans les gares.
Côté chef de gare justement, vous aimeriez vous rappeler de tous. Vous savez que vous en avez oublié. Vous faites le compte parfois de ceux dont vous vous souvenez. Tombés sur un quai ou frappés dans leur siège. Partis ensuite pour l'Institut médico-légal car légalement "morts sur la voie publique", après que vous les ayez "gardés". Car "garder le corps" fait partie du boulot. Du boulot de trop nombreux.
Et puis... la gestion de l'urgence qui ne vous appartient pas mais celle des proches présents qui vous retombe dessus car personne ne s'y colle. La mécanique policière/légale/administrative qui ne se met pas trop bien en marche et qui vous amène à avoir la famille au téléphone pour devoir préparer l'annonce d'un décès. Toutes ces responsabilités qui ne vous regarderaient pas s'il n'y avait en face des gens frappés par ce qui arrive. Toutes ces responsabilités que l'on ne vous a pas données mais que vous prenez.
Cela ne se fait pas trop dans la maison de parler de nos morts : je crois que c'est à la fois un bien et un mal. Un bien car l'on ne peux rien y changer. Un mal car cela nous tend à les prendre à notre compte comme une histoire qui ne pourrait être partagée.
Alors que tous ont été là.
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PS : désolée...
Désolé aussi. Pour ceux qui ont été ainsi frappés. Pour leurs proches qui ont dû encaisser la terrible nouvelle. Pour ceux qui ont dû jouer les messagers de la mort bien malgré eux...
Rédigé par : Tant-Bourrin | 06 février 2011 à 16:46
C'était le boulot des gendarmes pendant la guerre 14. La plupart du temps, le maire ne pouvait non plus couper à la corvée. Sale boulot, mais faut bien que quelqu'un le fasse d:-(
Rédigé par : Saoul-Fifre | 06 février 2011 à 18:06
SF : c'est exactement ça !!! Merci ! (j'avais envie de dire "merci mon coeur" mais c'était un peu intime :) )
TB : voui...
Rédigé par : ophise | 06 février 2011 à 23:01
Ouais... Moi c'est pour vous, agents de la SNCF que l'on abandonne comme cela face à la mort que je suis désolé. Et contre vos chefs, je suis révoltés d'en arriver à lire ce que tu as pu écrire dans ce billet.
Décidément, vos têtes pensantes sont encore moins pensantes que je ne le croyait. Au moins les poiciers et les gendarmes ne sont-ils pas laissés pour compte avec leur seule conscience pour gérer ce genre d'événements.
Avec la psychologie de la SNCF, un jour, c'est l'un d'entre vous que vous ramasserez sur le bord de la voie, et ce sera trop tard...
Rédigé par : Excelsior | 07 février 2011 à 09:16
Ah ben c'est sûr que c'est pas facile d'annoncer un décès :-)
Rédigé par : Le Papa de Sigmund | 07 février 2011 à 12:01
Tiens faut qu'on reparle de ça un jour, Ophise.
Devant un café dans mon lieu préféré dans ta gare.
Il n'y a pas que les pofessionnels de la mort et de la maladie qui ont leur importance dans ces moments là.
La capacité d'empathie permet de trouver les mots qui malgré tout, comptent grandement, dans ces moments là.
Je ne suis pas inquiet sur ta manière de faire. Par contre, n'avoir personne à qui en parler, ça peut être assez lourd.
Je pense à toi.
Rédigé par : Aldo | 07 février 2011 à 15:29
Parlons peu, parlons bien. Ce sujet me pesait. En effet je trouve que nous manquons cruellement d'accompagnement là-dessus. Et surtout surtout surtout, comme vous l'avez compris, cela reste toujours très personnel. On fait son boulot et on passe à autre chose.
Il fallait bien que j'en parle un jour. C'est fait. C'est bien non ?
Rédigé par : ophise | 08 février 2011 à 00:00
Il est certain que c'est le coté "humain" de ta profession... Pas facile à gérer... Pas facile.
Rédigé par : Andiamo | 08 février 2011 à 11:05
Les gares, comme les mairies d'ailleurs, voient défiler la vie et la mort, c'est vrai qu'aucune formation n'y prépare...
Rédigé par : Gwen | 19 février 2011 à 22:23