Après avoir beaucoup hésité sur un titre du style "tout ce que l'on vous cache sur les intempéries" j'ai fini par choisir une option plus douce... douce comme l'année 2010 que je vous souhaite !
Au menu du jour, donc, les journaux télévisés ayant largement donné leur vision de la chose : les conséquences des intempéries sur la circulation des trains. Soit régulièrement en France, des chutes de neige, des descentes du thermomètre en dessous de beaucoup, du verglas et des retards pour les voyageurs. A vos craies, à vos ardoises : tentative d'explication du "pourquoi on roule sans souci par -60° en Sibérie mais pas en France ?" (question posée de manière généralement acide par le client en rade) ! Une précision importante : je vous fait un point "au jour d'aujourd'hui", les problèmes de fond sont les mêmes mais nous n'avons pas encore tout cumulé... vivement février ! Non mais je plaisante.
Moins qu'on ne le pense : les infrastructures souffrent du froid
En l'air, les caténaires (fils électriques) peuvent être recouvertes de glace mais cela n'a pas été trop un problème jusqu'à maintenant youpi ! L'intensité électrique qui passe par là aide à éviter la formation de gel, les pantographes des trains (le truc qui monte depuis le toit pour capter le courant) font souvent "brise-gel" et nous avons même des systèmes pour dégivrer - j'ai oublié lesquels sauf un vague souvenir de trains "racleurs" - : bref, on s'en sort bien.
Au sol, deux gros points difficiles : les rails et les aiguilles (les trucs mobiles qui permettent de changer de direction). Côté aiguilles, encore une fois, pas trop de soucis : nous sommes équipés de "réchauffeurs d'aiguille" (à gaz, ce qui explique l'incroyable quantité de bonbonnes de gaz que l'on peut voir partout dans les espaces ferroviaires) qui sont mis en route - à la main par des gentils collègues spécialisés dans l'entretien des voies - dès que les conditions météorologiques s'annoncent difficiles. Evidemment, il vaut mieux avoir surveillé le niveau de gaz des bouteilles et bonbonnes - oups.
Côté rail, il faut bien reconnaître que le froid accentue les "ruptures" : le rail casse purement et simplement. Ce qui est très dangereux et a terriblement tendance à faire arrêter toutes les circulations devant passer par là. Mais nous n'avons pas dépassé ces derniers temps le nombre habituel de rails cassés à ma connaissance, nous sommes dans la norme habituelle des hivers un peu rudes sans plus (je vous épargne le nombre de kilomètres de rails concernés - plus du tour de la Terre - et les techniques pour faire résister un rail à toutes les températures de l'année, cela peut se lire ici ou là).
Plus qu'on ne le pense : la grande vitesse n'aime pas le froid
Pour ce que j'ai pu en lire et en vivre (ô combien), le problème se pose surtout sur les lignes à grande vitesse. Je vais vous dire ma façon de penser : nous devrions prévenir nos voyageurs que nous savons faire rouler des trains par -20° et 40 centimètres de neige mais pas à 300 km/h ! Car c'est la vitesse qui nous fout dedans et génère tous ces retards... Tous les trains accumulent sous leurs voitures, motrices et locomotives des monceaux de neige et glace (je vous invite à venir voir les voies des gares parisiennes recouvertes de mini-congères alors que pas un flocon n'est tombé sur la capitale) mais ce n'est pas tout à fait la même chose à 160 km/h et à 300 : les "projections" - depuis la voie aussi d'ailleurs - sont terriblement plus violentes (amis physiciens faites vos calculs) et les conséquences douloureuses. Vitres brisées dans les espaces voyageurs ou pare-brise cassés en cabine de conduite, il n'est pas possible de rouler vite sans danger. Donc on baisse - limite - la vitesse des Tgv qui arrivent logiquement en retard et le bazar commence... :
- les trains en demi-tour ne peuvent pas repartir puisque n'étant pas arrivés ;
- il va falloir réparer les dégâts au plus vite (pour les vitres on pose un film plastique scotchant) ;
- les conducteurs des trains au départ sont toujours en ligne ;
- les contrôleurs aussi ;
- on ne peut pas (pas du tout, hors de question, interdit) faire partir n'importe quel Tgv à la place d'un autre car il faut que son kilométrage le supporte et que ses opérations de maintenance - vérification des roues ou vidange des toilettes, pour choisir des extrêmes - aient été réalisées ;
- tout le monde s'acharne à essayer de sauver les trains les plus "coulés" mais le temps que les décisions se prennent, difficile d'afficher des retards au départ
... le bazar quoi.
Il ne serait pas honnête d'oublier les trains classiques qui souffrent en général de problèmes matériels du genre "plus de chauffage dans la voiture x" ce qui est très gênant quand il fait -5° mais pour avoir pratiqué l'exercice tous les jours ces derniers temps, nous arrivons à replacer tout le monde dans les autres voitures ou - première ! - distribuons des couvertures aux voyageurs qui préfèrent partir malgré tout.
Mes fidèles lecteurs ne m'auront pas souvent vu critiquer la boîte mais très sincèrement, il me semble que nous avons à la Sncf un problème de culture et de communication. Au lieu d'avertir nos voyageurs et d'alléger notre plan de transport à l'avance (il va y avoir des soucis, on fait rouler moins de trains), nous nous obstinons à vouloir tout faire rouler sans oser dire que cela circulera avec du retard, pas mal de retard, parfois beaucoup de retard. La Dgaac a beaucoup moins de scrupules et demande aux transporteurs (compagnies aériennes) de supprimer 25, 30 ou 40% des vols : nous avons désormais une Direction des Circulations Ferroviaires dont je n'attends pas moins.
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Photo de Marmarrick (un collègue :) )
PS : je n'ai volontairement pas évoqué les problèmes d'Eurostar (dont j'imagine qu'ils apparaîtront dans les commentaires) parce que je n'ai pas eu toutes les informations sur ce qui c'est passé.