La Sncf a été une des premières entreprises de transport à avoir décidé, sans contraintes légales, de dédommager ses voyageurs « grandes lignes » en cas de retards. L'idée a été, bien évidemment, adoptée tout de suite par les voyageurs qui savent désormais fort bien faire valoir leurs droits. Le détail navrant dans la vie du chef de gare est que tous les retards ne sont pas systématiquement dédommagés et que cette notion n'est pas bien connue de ses clients, ce qui lui vaut de longues heures d'explication de texte sans parler de longues palabres plus ou moins houleuses...
Le moins connu : ne valent que les retards imputables à la Sncf
Eh oui... Lors de la définition des retards qui seraient pris en compte, la Sncf et les associations de consommateurs (car tout cela a été dûment négocié) sont tombées d'accord pour que l'entreprise ne porte pas sur son dos tous les malheurs du monde. Ainsi, lorsque que le matériel tombe en panne, que le personnel n'est pas à bord à l'heure ou que les installations sont en dérangement c'est incontestablement une erreur de la Sncf et les voyageurs recevront à l'arrivée une jolie petite enveloppe « régularité » qui leur permettra de recevoir des bons voyages : c'est le fameux dédommagement. Mais la Sncf n'est pas responsable de tout ; les manifestants qui envahissent les voies, les inondations qui empèchent les trains de circuler, les sangliers en rut qui se font écraser et autres « accidents de personne » : autant de causes de retards qui ne feront pas l'objet d'une distribution d'enveloppes. Correctement expliquée, cette distinction est en général acceptée par le voyageur, ça rale un peu mais bon ... L'exercice est plus délicat lorsque plusieurs causes de retard s'enchaînent car il y a des trains qui cumulent les ennuis : un contrôleur en retard au départ, puis le malaise d'un voyageur à bord et une limitation de vitesse à cause de travaux pour ne citer que des cas vécus. Alors, les hommes de l'art calculeront les minutes perdues pour chacune des avanies subies par le train et trancheront en conséquence. A noter que dans ce cas de figure, les informations données dans le train donneront facilement l'impression d'être contradictoires et le doute sera là : la Sncf ne nous mentirait-elle pas pour éviter de nous dédommager ??? Et je n'ose évoquer les cas douloureux où un dérangement d'installation (faute Sncf) est en fait dû à une cause extérieure comme la foudre (faute météorologique) : on est passé près du lynchage pour moins que cela !
Le plus délicat : les 30 minutes de retard.
C'est pourtant simple, le fameux « engagement horaire garanti » (appellation officielle) s'applique donc pour tout retard imputable à la Sncf lorsque le train arrive à destination au moins 30 minutes après l'heure prévue. Ah mais voilà... prenez 10 personnes autour de vous et demandez l'heure : vous risquez fort d'avoir plusieurs sons de cloche... Multipliez le problème par une centaine – ou plus – de voyageurs arrivant en gare avec 29 minutes de retard et prévoyez de l'aspirine ! A vous les joies d'expliquer que tous les trains sont, en quelque sorte, chronométrés par un système de balises informatiques qui est la seule référence admise. « Certes, vous aviez 31 minutes de retard à votre montre mais... pas pour la Sncf ! Non, je nie pas que l'horloge de quai indiquait elle-aussi 31 minutes de retard, je dis simplement que ce ne sont pas les horloges qui font foi mais les balises, ce qui est particulièrement obscur j'en ai bien conscience mais c'est ainsi que voulez-vous... Oui, à une minute près nous pourrions dédommager ce retard mais il faut bien des règles n'est-ce-pas ??? Je ne vois aucun inconvénient à vous donner malgré tout une enveloppe puisque vous me menacez avec votre parapluie mais je vous informe que le service régularité qui traitera votre dossier se basera, lui-aussi, sur l'heure de la balise et que vous n'aurez donc rien (pas frapper, pas frapper) ».
Pour enfoncer le clou jusqu'au bout de cette affaire qui est comme une épine dans le pied des chefs de gare, sachez que nous révassons souvent au fait qu'il nous serait tellement plus simple, facile et agréable à vivre de distribuer nos fameuses enveloppes que de devoir les refuser et affronter ainsi des moments, disons difficiles...
Mon livre de chevet sur ce sujet (enfin la page qui ne quitte jamais ma poche) : http://www.voyages-sncf.com/guide/voyageurs/pdf/engagement_horaire_garanti.pdf
(photographie de Sylvain : merci, merci !)