Au fil des jours passés en gare on finit par remarquer des comportements, de plus en plus fréquents, des uns ou des autres. Jusqu'à très récemment, je n'avais pas fait attention mais depuis quelque temps je ne vois plus qu'eux : les photographes !Jeunes, vieux, seuls ou en groupe, armés d'appareils de taille et de technologie variées, pressés ou prenant leur temps, ils sont légion. Petite étude ethnologique en gare...
Souvenirs pour touristes
Pour peu que votre gare soit inscrite à l'inventaire des Bâtiments de France, qu'elle reçoive tous les jours des Tgv et se situe à Paris (première destination touristique mondiale), vous aurez envisagé l'achat de lunettes noires tant les flashes menacent votre vue ! Les vieilles pierres ont toujours du succès mais c'est incontestablement le Tgv qui remporte la palme du décor le plus apprécié, quelque soit la nationalité du photographe. Les inévitables touristes asiatiques attendent le départ de leur train en se prenant les uns après les autres en photo devant le "nez" de la motrice (la locomotive du Tgv en quelque sorte) : si ce n'était le sérieux avec lequel les modèles s'ingénuent à prendre des poses convenues, vous soupçonneriez l'espionnage industriel... De jeunes possesseurs européens ou internationaux de cartes "Inter-rail" viennent mettre un peu de fantaisie là dedans avec, tour à tour, différents effets de style : faire semblant d'embrasser la dite motrice, faire semblant d'avoir été renversé par le train (dos au train, les bras en croix, la figure révulsée), faire semblant d'aller plus vite que le train (pose particulièrement réjouissante d'un sprinteur "figé" pour la photo), ... Toujours attendrissants, les hispanophones semblent préférer le portrait de famille multi-générationnel et n'hésitent pas à solliciter le personnel de gare pour prendre la photo, le tout sur fond sonore de "patataaaaas" (l'équivalent de "oustiti" ou "cheese" pour sourire au petit oiseau)...
Evénements pour passionnés
Peu de gens l'imaginent mais une floppée de "ferrovipathes", passionnés de trains, surveillent avec assiduité le matériel qui passe en gare et réalisent des reportages photographiques dignes des professionnels. Vous découvrez ainsi un soir une dizaine de photographes amateurs installés en début de quai et prêts à immortaliser ... quoi donc ??? Renseignements pris, il s'agit d'une des dernières circulations d'une des dernières locomotives d'un certain modèle : votre gare avait l'honneur une telle visite et vous n'en saviez rien ??? !!! Fermant les yeux sur l'usage (pourtant interdit) de pieds photos car des gens qui aiment tellement les vieux trains ne peuvent être totalement mauvais, le chef de gare repart en laissant les mordus à leurs prises de vue. Facheuse erreur : vous les retrouverez un autre jour plantés en pleine voie ou perchés sur un pylone électrique pour avoir un meilleur angle ! Prêts à tout (même à des imprudences) pour réussir le cliché de la BB xxxx, série zzz, année yyy, certains ferrovipathes font l'objet d'une attention très particulière à la Sncf, c'est d'une rare injustice par rapport aux milliers de clichés pris par d'autres particuliers chaque année mais entre contrarier un passionné et retrouver ses morceaux épars dans les emprises ferroviaires, les cheminots n'ont pas trop d'états d'âme...
Malheurs pour voyeurs
Enfin, il y a aussi - que ceux qui m'apprécient se joignent à moi pour le déplorer - un certain nombre de paparazzi du dimanche, qui dégainent leurs appareils à mauvais escient. Depuis que j'exerce mes modestes talents en gare, j'ai déjà du faire face à plusieurs début d'incendies, différentes blessures de voyageurs (chute dans les escalators, sur le quai, ...), quelques malaises cardiaques et autres aventures du même acabit et j'ai le souvenir d'avoir dû, à chaque fois !, intervenir auprès d'un amateur de clichés supposés à sensations pour qu'il remballe son matériel et "circulez y'a rien à voir" !!! On imagine que la photo d'un pauvre homme en train d'être réanimé par le Samu sur le sol d'une gare pourra animer à bon compte les soirées entre amis... On refuse de croire que certains puissent espérer que leur cliché sera acheté par un organe de presse mais là on a probablement tort... On rage, alors que l'on évacue un train pour soupçon de feu à bord, de voir des quidams traîner des pieds, appareil ou caméscope en main, pour chercher le meilleur angle de vue "au cas où"...
Pour conclure, sachez que si je n'ai rien pu faire pour cette femme qui protestait car elle avait été prise en photo par un inconnu et souhaitait faire effacer la pellicule (la carte Sd machin chose pardon) car cela relevait de la "photographie à usage privé et familial" dixit la Police, en revanche il est interdit (par la loi) de photographier sans leur autorisation expresse les agents Sncf en tenue. A bon entendeur...
PS : dans la série "ferrovipathe" je ne peux m'empécher (malgré tout) de conseiller aux amateurs la visite du blog suivant : http://fil-du-rail.blogspot.com/
PS2 : les lecteurs particulièrement vigilants auront remarquer que cette chronique "photo" tombe le jour où j'inaugure mon premier album... Je suis une photographe (et un sujet) remarquablement lamentable mais je ne désespère d'arriver à progresser !
Parfois aussi, les ferrovipathes sont gentillement invités par la SNCF dans ses établissements à l'occasion de journées portes ouvertes, et peuvent alors s'en donner à cœur joie :
http://gallery.cuivre.fr.eu.org/EIM-TGV-PSE-20061014
Rédigé par : Thomas | 20 novembre 2006 à 14:07