95 fois sur 100* le chef de gare, désormais expérimentée, croit connaître la situation... jusqu'au jour où...
En ce joli jour de mai (à peine contrarié par un léger mouvement social), vous êtes avisée qu'un groupe de 42 militaires a raté son train et a besoin de vous pour rentrer à bon port. Les trains de "bidasses" ont disparu du paysage ferroviaire depuis l'abolition du service militaire obligatoire, vous avez donc affaire à des engagés en goguette ou déplacement professionnel. Ce qui ne les empêche pas du tout de prendre d'assaut le prochain train pour leur destination alors qu'il est complet (le mouvement social sus-cité ayant entraîné la suppression de quelques trains), le contrôleur appelle au secours : vous y allez.
Sur place, pas grand mal : le responsable du groupe comprend bien qu'il vaudra mieux prendre le prochain train avec de la place plutôt que celui-ci déjà infréquentable ; passe lui-même (!) l'annonce à bord pour rapatrier ses ouailles sur le quai ; garde sa troupe sous le bras en vous attendant pour s'organiser. Tout est réglé, jusqu'au moment où...
Tant qu'à être sur le quai, vous vous rapprochez de l'agent d'accueil chargé du départ pour l'assister face aux inévitables et terribles retardataires. Annonce de départ, grands coups de sifflets, la routine jusqu'à la minute où...
Pour bien apprécier l'anecdote et le sel de la situation, recampons le décor : un quai, un train prêt à partir, 42 militaires en civil, un agent d'accueil, un chef d'escale, l'heure du départ s'approchant.
- client arrivant à toutes jambes pour attraper le train et soudain... - groupe de militaires à tue-tête : "aallleeeeeeez, aaalleeeeez, aaaalllleeeez" - vous souriez
- nouveaux clients courant ventre à terre pour arriver avant la fermeture des portes - groupe de militaires : "hump dayyy ! hump dayyy ! hump daaay !!!" - vous pouffez
- ultimes retardataires (les portes se ferment) - groupe de militaires : "ooooh hisse ! ooooh hisse ! ooooh hisse !!!" - vous riez de toutes vos dents
- client courant vers le train alors que les portes sont fermées - groupe de militaire : "oooooooooooooooooooooohhhhhhhh" (decrescendo, très triste) - vous pleurez de rire
- client stupéfait et désarconné devant le train qui s'en va - groupe de militaires entamant en canon "ce n'est qu'un au revoir mes frères, ce n'est qu'un au revoiiiiiiiiiiir" - vous n'en pouvez plus et essuyez tant bien que mal vos larmes
Merci à mes 42 inconnus pour ces très jolies fleurs !
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PS : ne me poussez pas du côté de Brassens, je suis tombée dedans toute petite :)
Essayons de coller à l'actualité. Soit une grève à la Sncf (pas grand risque que cette chronique ne se démode) et des conséquences très différentes selon les métiers. On comprend aisément que, sans conducteur, il va être difficile de partir mais la question se pose : comment le fait que les contrôleurs soient en grève pourrait empêcher les trains de rouler ? Ou si vous préférez : "on ne va quand même pas supprimer mon train parce qu'il n'y aura pas de contrôle à bord" ???
En effet, non, on ne va pas supprimer des trains pour cela... Mais parce que les Agents du Service Commercial des Trains (les contrôleurs) sont tout bonnement indispensables. Peu connue, leur première mission est la sécurité. Du train et des voyageurs. Viendront ensuite "le confort à bord" et la "préservation des recettes" (les sous, le contrôle). Mais encore ?
La sécurité des circulations
Commençons par le plus simple : les contrôleurs donnent souvent le départ des trains. Le conducteur, là-bas tout en tête, ne peut pas voir (sans caméras) si l'embarquement est terminé : dans un certain nombre de gares, c'est le contrôleur qui lui donne l'assurance que l'on peut partir sans avoir fermé les portes sur un voyageur (c'est plus propre). Plus subtil : la nécessité de remplacer un automatisme. La fonction de sécurité du contrôleur est celle "d'agent d'accompagnement" : il va parfois être amené à voyager en cabine de conduite lors de certaines pannes. Les trains sont équipés d'un système qui arrête automatiquement le train si le conducteur ne se manifeste pas toutes les minutes environ (imaginons un instant un conducteur victime d'un malaise) : quand ce système est défaillant, le contrôleur sera présent pour déclencher l'arrêt d'urgence en cas de problème. Plus sportif : en cas d'obstacle sur les voies (coulée de boue, voiture ayant franchi un passage à niveau, ...) il est de bon ton de faire arrêter tous les trains se dirigeant vers le pépin. Bien que nous vivions à l'époque des téléphones portables et autres technologies modernes sans fil, le chemin de fer prévoit encore que le conducteur et le contrôleur partent chacun de leur côté, avec différents ustensiles - dont des torches à flamme rouge qui signalent un danger immédiat, et courent environ sur 1,5 km pour prévenir les convois arrivant sur la zone. Plus rare : la participation aux essais de freins. Tous les trains qui roulent ont, avant leur départ, fait l'objet d'un "essai de freins" qui consiste en gros à vérifier que l'on arrivera à arrêter 300 ou 400 tonnes de matériel et de voyageurs aussi rapidement que possible. Il arrive qu'une panne pendant le trajet oblige à recommencer la procédure. Sur les trains classiques (une locomotive et des voitures) cet essai demande une personne à l'avant du train et une personne à l'arrière : devinez qui s'y collera ?
La sécurité des voyageurs
Qui passe une annonce à bord pour demander s'il y a un médecin dans l'assistance lors du malaise d'un voyageur ? Et qui tient à disposition du médecin en question une trousse de secours équipée des produits de première urgence ? Qui prévient la Police de venir à la prochaine gare en cas d'agression ou de bagarre ? Qui doit installer les "escabeaux de secours" lorsqu'il faut faire descendre 500 personnes sur le bord de la voie parce que le train est en panne et qu'il faut changer de rame ?
J'en oublie mais difficile de s'en passer non ?
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PS : de plus en plus de matériel est maintenant en "Equipement Agent Seul" : comprenez qu'avec des caméras et des écrans en cabine c'est le conducteur qui est l'agent seul. C'est le cas essentiellement sur l'Ile-de-France et des lignes Ter très fréquentées.
Dans la série "autopromo" ça va fort en ce moment...
France Bleue Ile-de-France (oups pardon : France Bleu 107.1) m'a donc accueillie ces deux dernières semaines. A la maison de la Radio (ouiiiii !!!), en studio (hiiiiiii), avec rediffusions sur internet ! Deux-trois réflexions sur le sujet :
- le premier épisode me semble plus... frais ! - les coachs ont raison : "il n'y a que nous qui connaissons notre degré de trac ou de stress" :) - parler face à un vrai journaliste (par opposition à une interview téléphonique) est beaucoup plus confortable (et agréable) ; - il faut que je méfie : tenir à jour ce blog et l'enrichir est plus important que la communication qui ne l'entoure (merci JMJ).
Si, après tous ces préliminaires vous êtes encore tentés... sachez que cela demande selon votre configuration informatique, plus ou moins de bidouilles (pour ma part, je n'arrive à écouter la chose que sur Firefox puis Real Player...).
Vos trains vivant leur vie souvent à des centaines de kilomètres de vous (que vous les ayez fait partir ou que vous les attendiez), vous avez des collègues qui les suivent dans leurs pérégrinations et vous tiennent informée de leurs aventures. Un beau matin (de juillet, le réveil a sonné dès le lever du soleil... oups pardon), un beau matin donc, vous êtes appelée car un des trains qui va arriver dans votre jolie gare vous réserve un vrai casse-tête.
Votre interlocutrice est un peu hilare (et vous n'allez pas tarder à piquer un bon fou rire aussi, si vous aviez su, vous en auriez profité davantage) car depuis deux heures, une cliente et le contrôleur du train sont enfermés dans la voiture d'un Tgv, après évacuation des autres voyageurs, à la recherche... d'un rat ! Lequel s'est échappé de sa cage de transport, s'est caché on ne sait où et refuse de montrer le bout d'une moustache. Bien. Evidemment, ce train doit repartir dans la foulée avec des voyageurs pour une autre destination. On vous demande donc d'être sur le quai à l'arrivée pour vous assurer que la bestiole a été récupérée par sa propriétaire ; dans le cas contraire de prendre les dispositions nécessaires.
Oui da ! Les dispositions nécessaires ??? Aucun texte ne prévoit la chose et, votre fou rire passé, vous commencez à vous inquiéter sérieusement des solutions qui s'offrent à vous. Vos collègues du matériel calment tout de suite vos ardeurs, la récente période de neige a encore été terrible pour les vitres des Tgv, il faut les réparer, aucune rame n'est disponible. Il s'agirait d'une invasion de rongeurs, on saurait encore fait appel à une équipe de dératisation (quoique le dimanche n'est pas forcément le jour le plus facile) mais là, pour un unique animal, personne ne va se dévouer, débrouillez-vous. Vous commencez à ne plus rigoler du tout. Appel aux forces supérieures pour demander conseil : après incrédulité et fou rire (normal) on vous donne comme consigne de changer le train. Mais même les ordres du plus haut niveau de la boutique n'y peuvent rien : pas de rame de rechange, impossible, rien de rien. Débrouillez-vous. L'avis général est que la petite bête a pu se planquer n'importe où, être déjà descendue du train ou va le faire sur votre quai, qu'il s'agit tout de même d'un rat apprivoisé donc sans grand danger et que tout cela est bien rigolo mais que bon, on a des trains à faire rouler et que l'on ne va pas en faire une montagne non plus. Certes.
Vous envoyez tout de même votre adjoint réceptionner le train (en expliquant l'affaire à la radio ce qui est une bonne occasion de gloussements dans toute la gare)car on peut toujours espérer que tout sera rentré dans l'ordre. Ce n'est évidemment pas le cas. Aucune trace du coupable. Vous ne pouvez vous empêcher de vous inquiéter de ce qui pourrait se passer si, un peu plus tard, l'animal réapparaissait : mouvements de panique, dames debout sur les tablettes du Tgv, gros titres dans les JT (un rien amuse la galerie) : il faut prendre une décision. Et voici pourquoi une trentaine de passagers n'ont pu voyager à leurs places réservées (ni au départ de votre gare, ni au retour du train) ; ont été replacés sans trop de détails sur d'autres sièges et ne sauront jamais pourquoi leur voiture a été "condamnéee" (sur ordre du chef de gare qui se demande encore ce qu'elle aurait pu faire ???).
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PS : revenu dans son garage, le train a été visité très soigneusement : le rat n'a jamais été retrouvé. Il avait, en effet, dû partir sous des cieux plus cléments :)
Voici deux fois en un mois qu'un client compatissant rapporte à un de mes points d'accueil un bagage abandonné selon Vigipirate, un crève-coeur pour les âmes sensibles et un casse-tête pour les chefs de gare... Voici deux fois en un mois que l'on nous rapporte un chat ! Dans son panier bien entendu, donc soit abandonné volontairement (arg), soit "oublié" (ce qui n'est pas mieux mais quand on est fichu de partir en laissant derrière soi son énorme valise, son ordinateur tout neuf ou son enfant, pourquoi pas son animal de compagnie ?).
Soit... un animal à poil, des cheminots attendris qui l'installent dans une pièce avec à boire et à manger et des responsables qui cherchent une solution pour ne pas héberger le greffier plus que de raison (la nuit entière n'est pas envisageable). Heureusement, nous avons à proximité de la gare, une clinique vétérinaire ouverte 24h/24 qui a la gentillesse de recueillir nos clients d'un genre particulier, se chargera de vérifier l'existence d'une puce, de faire adopter la bestiole si personne ne se présente pour le réclamer et que son propriétaire n'est pas identifiable.
Et voici comment hier soir avant de rentrer chez nous, nous avons déambulé dans les rues parisiennes, une adorable (!) petite chatte enfermée dans un gros carton de coffrets collation Sncf !
Après avoir beaucoup hésité sur un titre du style "tout ce que l'on vous cache sur les intempéries" j'ai fini par choisir une option plus douce... douce comme l'année 2010 que je vous souhaite !
Au menu du jour, donc, les journaux télévisés ayant largement donné leur vision de la chose : les conséquences des intempéries sur la circulation des trains. Soit régulièrement en France, des chutes de neige, des descentes du thermomètre en dessous de beaucoup, du verglas et des retards pour les voyageurs. A vos craies, à vos ardoises : tentative d'explication du "pourquoi on roule sans souci par -60° en Sibérie mais pas en France ?" (question posée de manière généralement acide par le client en rade) ! Une précision importante : je vous fait un point "au jour d'aujourd'hui", les problèmes de fond sont les mêmes mais nous n'avons pas encore tout cumulé... vivement février ! Non mais je plaisante.
Moins qu'on ne le pense : les infrastructures souffrent du froid
En l'air, les caténaires (fils électriques) peuvent être recouvertes de glace mais cela n'a pas été trop un problème jusqu'à maintenant youpi ! L'intensité électrique qui passe par là aide à éviter la formation de gel, les pantographes des trains (le truc qui monte depuis le toit pour capter le courant) font souvent "brise-gel" et nous avons même des systèmes pour dégivrer - j'ai oublié lesquels sauf un vague souvenir de trains "racleurs" - : bref, on s'en sort bien. Au sol, deux gros points difficiles : les rails et les aiguilles (les trucs mobiles qui permettent de changer de direction). Côté aiguilles, encore une fois, pas trop de soucis : nous sommes équipés de "réchauffeurs d'aiguille" (à gaz, ce qui explique l'incroyable quantité de bonbonnes de gaz que l'on peut voir partout dans les espaces ferroviaires) qui sont mis en route - à la main par des gentils collègues spécialisés dans l'entretien des voies - dès que les conditions météorologiques s'annoncent difficiles. Evidemment, il vaut mieux avoir surveillé le niveau de gaz des bouteilles et bonbonnes - oups. Côté rail, il faut bien reconnaître que le froid accentue les "ruptures" : le rail casse purement et simplement. Ce qui est très dangereux et a terriblement tendance à faire arrêter toutes les circulations devant passer par là. Mais nous n'avons pas dépassé ces derniers temps le nombre habituel de rails cassés à ma connaissance, nous sommes dans la norme habituelle des hivers un peu rudes sans plus (je vous épargne le nombre de kilomètres de rails concernés - plus du tour de la Terre - et les techniques pour faire résister un rail à toutes les températures de l'année, cela peut se lire ici ou là).
Plus qu'on ne le pense : la grande vitesse n'aime pas le froid
Pour ce que j'ai pu en lire et en vivre (ô combien), le problème se pose surtout sur les lignes à grande vitesse. Je vais vous dire ma façon de penser : nous devrions prévenir nos voyageurs que nous savons faire rouler des trains par -20° et 40 centimètres de neige mais pas à 300 km/h ! Car c'est la vitesse qui nous fout dedans et génère tous ces retards... Tous les trains accumulent sous leurs voitures, motrices et locomotives des monceaux de neige et glace (je vous invite à venir voir les voies des gares parisiennes recouvertes de mini-congères alors que pas un flocon n'est tombé sur la capitale) mais ce n'est pas tout à fait la même chose à 160 km/h et à 300 : les "projections" - depuis la voie aussi d'ailleurs - sont terriblement plus violentes (amis physiciens faites vos calculs) et les conséquences douloureuses. Vitres brisées dans les espaces voyageurs ou pare-brise cassés en cabine de conduite, il n'est pas possible de rouler vite sans danger. Donc on baisse - limite - la vitesse des Tgv qui arrivent logiquement en retard et le bazar commence... :
- les trains en demi-tour ne peuvent pas repartir puisque n'étant pas arrivés ; - il va falloir réparer les dégâts au plus vite (pour les vitres on pose un film plastique scotchant) ; - les conducteurs des trains au départ sont toujours en ligne ; - les contrôleurs aussi ; - on ne peut pas (pas du tout, hors de question, interdit) faire partir n'importe quel Tgv à la place d'un autre car il faut que son kilométrage le supporte et que ses opérations de maintenance - vérification des roues ou vidange des toilettes, pour choisir des extrêmes - aient été réalisées ; - tout le monde s'acharne à essayer de sauver les trains les plus "coulés" mais le temps que les décisions se prennent, difficile d'afficher des retards au départ
... le bazar quoi.
Il ne serait pas honnête d'oublier les trains classiques qui souffrent en général de problèmes matériels du genre "plus de chauffage dans la voiture x" ce qui est très gênant quand il fait -5° mais pour avoir pratiqué l'exercice tous les jours ces derniers temps, nous arrivons à replacer tout le monde dans les autres voitures ou - première ! - distribuons des couvertures aux voyageurs qui préfèrent partir malgré tout.
Mes fidèles lecteurs ne m'auront pas souvent vu critiquer la boîte mais très sincèrement, il me semble que nous avons à la Sncf un problème de culture et de communication. Au lieu d'avertir nos voyageurs et d'alléger notre plan de transport à l'avance (il va y avoir des soucis, on fait rouler moins de trains), nous nous obstinons à vouloir tout faire rouler sans oser dire que cela circulera avec du retard, pas mal de retard, parfois beaucoup de retard. La Dgaac a beaucoup moins de scrupules et demande aux transporteurs (compagnies aériennes) de supprimer 25, 30 ou 40% des vols : nous avons désormais une Direction des Circulations Ferroviaires dont je n'attends pas moins.
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Photo de Marmarrick (un collègue :) )
PS : je n'ai volontairement pas évoqué les problèmes d'Eurostar (dont j'imagine qu'ils apparaîtront dans les commentaires) parce que je n'ai pas eu toutes les informations sur ce qui c'est passé.
Attention sujet ferrugineux* : on parle un peu technique. Non pas que cela fasse vibrer le chef de gare mais le chemin de fer étant ce qu'il est, on ne fait pas ce que l'on veut (ma brave dame, mon brave monsieur) : puisqu'on vous dit que c'est compliqué ! Aujourd'hui au sommaire : le matériel roulant (les trains).
Les locomotives électriques
Pour vos trains dits "classiques" vous avez besoin de voitures (et non de wagons cela dit en passant) et d'une locomotive. De nombreux collègues travaillent un an avant, puis la veille, puis le jour même à organiser les déplacements et trajets des dites locomotives : 99 fois sur 100 tout se passe bien. Mais arrive le jour où les voitures du train sont là, les voyageurs dedans et fichtre : aucune locomotive ne pointe le bout de son chasse-pierres. N'allez pas croire que vous pouvez piquer le premier engin moteur disponible dans votre gare ! De chez vous partent des trains vers plusieurs destinations qui, comme un fait exprès, n'ont pas les mêmes installations. Pour aller à la gare terminus de x, les lignes sont équipées de courant à 1 500 volts. Votre gare aussi. Une locomotive 1 500 volts fera donc l'affaire youpi. Mais pour aller à la gare terminus de z, il y a changement de tension en milieu de chemin : 1 500 volts et ensuite 25 000 volts. Il vous faut donc un engin qui supporte les deux. C'est logique mais embêtant.
Les spécificités électriques des Tgv
Tous vos Tgv sont capables de partir de votre gare (1500 volts) et d'affronter ensuite la grande vitesse (25 000 volts), de quoi vous plaignez vous donc ? De l'étranger ! Car les installations électriques y sont souvent différentes : il va vous falloir un train non pas "bi-courant" mais "tri-courant" (1 500 volts au départ, 25 000 volts sur ligne à grande vitesse puis 3 000 volts par exemple). Il est aussi des destinations qui cumulent plusieurs pays à la suite et qui demandent des ... "quadri-courant". Et, bien évidemment, dans la même gare, vous pouvez avoir des trains pour des pays où les intensités électriques utilisées sont différentes : il vous faudra des "tri-courant" différents. Encore cartésien mais encore embêtant.
Les points communs entre les deux
Une fois que vous avez bien maîtrisé les différentes obligations électriques des uns et des autres vous allez vous heurter à d'autres délices. Les lignes et la puissance entre autres. Toutes les locomotives ne sont pas capables d'affronter toutes les voies ferrées : selon les régions, il y a des montées et des descentes (des rampes et des pentes en jargon) qui demandent plus ou moins de puissance à votre engin moteur pour arriver à tirer ses voitures. Il existe donc une bible qui prévoit, ligne par ligne, les locomotives autorisées à y circuler... De la même manière, vos Tgv n'utilisent pas que les lignes conçues pour eux, loin de là. En France, la majorité des tunnels ferroviaires ont été construits avant l'invention des Tgv à deux niveaux (Duplex) : un certain nombre de lignes sont donc ainsi interdites aux Duplex. Les Tgv n'ayant pas non plus tous la même puissance, on en connait qui pourraient être en difficultés sur certaines lignes à fort relief. Enfin la longueur vous pose aussi des colles. On pense aux trains Teoz qui n'existent qu'en rames de 7 ou 14 voitures mais le problème se pose aussi pour le matériel Tgv qui est, par exemple, plus long sur l'Atlantique que celui pour la Méditerranée. Dans certaines gares, un train trop long se retrouvera "hors quai" et c'est mal car dangereux pour les voyageurs. Toujours compréhensible mais toujours embêtant.
Car ces différentes contraintes techniques vont contrarier votre vie de chef de gare. Vous empêcher résolument et irrémédiablement de remplacer n'importe quel matériel par un autre. Et gâcher les voyages de vos clients à qui vous allez trouver difficile d'expliquer que, deux heures plus tard, vous n'avez toujours pas de train pour remplacer celui qui est tombé en panne. C'est ainsi, c'est compliqué et ce n'est pas vraiment près de changer... Oserais-je dire que j'aime cela ???
On récapitule. Vous êtes chef de gare. Vous prenez tous les jours avant de partir au travail le soin de vérifier sur Infolignes ce qui vous attend. Vous savez donc à quelle sauce vous allez être mangée. Cela valait jusqu'au jour où la machine s'est emballée...
J1 : rien sur Infolignes mais vous savez quand même que vous allez en baver : un préavis de grève régionale s'annonce très suivi. Vous n'êtes pas gréviste pour des raisons diverses et devant faire l'objet un jour d'une chronique, vous allez donc au travail et dégustez mais votre éthique personnelle vous interdit formellement de vous plaindre alors que des collègues ont choisi de perdre une journée de paye. Fermez le ban.
J + 4 : toujours rien sur Infolignes et pour cause puisque c'est vers la fin de votre service que vous êtes appelée pour une sévère agression physique sur un de vos collègues agent d'accueil que vous retrouvez en sang sur un quai.
J + 5 : quelques difficultés d'endormissement liées aux images et souvenirs de l'agression du collègue.
J + 6 à J + 13 : succession normale de jours en gare avec leurs difficultés ordinaires et de repos plutôt agréables.
J + 15 : la vision d'Infolignes a légèrement calmé vos ardeurs avant de quitter votre foyer. Gros incident hier sur votre gare, des installations techniques très abimées, les circulations qui ne reprennent pas facilement, salle de crise ouverte, astreintes sur le pont, patrons à gogo... Vous passez vos 8 heures et un peu plus de service soudée à votre bureau à essayer d'aider à gérer le désordre. Un pipi et 3 cigarettes en tout : mauvais indicateurs de la situation qui ne vous a véritablement pas permis de lever le pied mais c'est bon, les choses rentrent tranquillement dans l'ordre, vous n'avez pas trop de scrupules à laisser votre collègue de soirée affronter la suite des évènements (celui de la veille y avait passé la nuit...).
J + 16 : rien à signaler sur Infolignes, vous voici partie encore fatiguée mais sereine pour votre gare. Vous avez à peine pris un petit quart d'heure pour évoquer avec les participants du jour précédant la galère que cela fut quand.. Gros gros pépin à l'autre bout de la ligne ! Perturbations garanties pour les 12 heures à venir. Vous accusez le coup. Vous vous cachez dix minutes le temps d'assimiler et surtout accepter la mauvaise nouvelle. Passez une première heure un peu difficile car l'humeur est franchement maussade (c'est trop injuste !!!) puis vous y collez. Il valait mieux se faire à l'idée en effet car la situation va aller en se dégradant au fil de la journée : autres incidents ailleurs sur les lignes qui mènent à votre gare ; actes de malveillance qui compliquent la situation ; trains qui n'arrivent pas et qui ne peuvent pas donc repartir... Salle de crise, astreintes, patrons, 16 heures de rang accrochée à votre bureau (cette fois, vous savez que vous en avez pour longtemps, vous extorquez de gré ou de force le temps de faire pipi et de fumer plus souvent !).
Deux jours de repos bienvenu '(quelques difficultés d'endormissement les deux premières nuits ?).
J + 19 : rien à signaler ni sur Infolignes ni dans la vraie vie !
J + 20 : annoncée partout, dont sur Infolignes, grève nationale. Dont vous n'êtes toujours pas. Et donc dont vous ne vous plaindrez pas.
J + 23 : Infolignes est votre ami : tout va bien dans votre zone. Et pourtant, une semaine après la dernière très grosse situation perturbée dans votre gare (vous y avez pensé mais refusé de vous y apesantir !) ; alors que nous sommes un vendredi de grands départs (début de week-end + début de vacances scolaires) cela ne loupe pas... Grosse frayeur ! Le temps de se mettre en place (salle de crise, patrons, ...) le soufflé retombe et il n'y a plus que l'ordinaire à gérer, avec ses habituels aléas. Jettons un voile pudique sur les aléas.
Je pars fourbue, vidée, rincée, pour une semaine loin de la gare. Huit jours d'éloignement très attendus.
Au bout de trois ans, j'ai la chance d'être toujours aussi enthousiaste sur le métier - exceptionnel ? - que j'ai la chance d'exercer. Je pars neuf fois sur dix travailler le sourire aux lèvres, encore émerveillée de la chance que j'ai de pouvoir - et savoir aujourd'hui - faire tout cela. Mais si l'adrénaline est un puissant excitant, elle peut ausi épuiser lorsque consommée à hautes doses...