Attention sujet douloureux... Prenez une grande gare parisienne ; des trains à l'arrivée avec de gros retards ; des clients qui devaient continuer leurs voyages ; le tout en fin de soirée ; secouez vigoureusement et vous obtenez un cocktail explosif : la prise en charge des ruptures de correspondance ! Rien d'exceptionnel pour le chef de gare qui pratique régulièrement l'exercice mais rude affaire pour les voyageurs qui se retrouvent bloqués à une étape de leur trajet sans possibilité d'arriver à leur destination...
Gestion en qualité
Tant qu'il y a peu de trains en retard et donc peu de clients en détresse, les équipes de la gare vont pouvoir travailler au coup par coup en personnalisant les solutions. Réservation de trains pour le lendemain, tickets de transport en commun, taxis, hôtels, nous avons un (mini) arsenal pour nous aider. Evidemment, tout cela est limité (montants négociés encore et toujours avec les associations de consommateurs), nous n'allons pas offrir un taxi pour des centaines de kilomètres, payer une chambre dans un palace, prendre en charge une location de voiture pour l'étranger... Mais, grosso modo, avec beaucoup d'empathie on y arrive et les voyageurs font contre mauvaise fortune bon coeur.
Gestion des quantités
Carrément plus sportive : la prise en charge des masses ! Dommage pour la personnalisation et le contact client mais quand plusieurs centaines de personnes vont échouer chez vous sans pouvoir en repartir... il va falloir débiter ! Inutile de compter sur les hôtels : Paris est la première destination touristique mondiale et la première ville de congrès d'affaires. La partie va alors se jouer en deux coups.
En priorité, vous allez essayer d'aider les personnes qui ont un point de chute (amis ou famille) pas trop loin, histoire de désengorger votre gare. Deux atouts à votre disposition : demander à la Ratp de vous envoyer des bus spéciaux et prévoir de nombreux "bons taxis" qui permettront aux voyageurs d'être remboursés (montant fixe quelle que soit la distance mais c'est déjà ça). Ne pas oublier d'appeler toutes les compagnies de taxis pour réclamer des voitures sous peine d'émeutes dans la file d'attente... Ca, c'est fait !
Reste la deuxième manche : les clients sans solution d'hébergement sur Paris. Seulement cette fois vous n'avez pas d'atouts en main et, en fait de joker, ce n'est pas gagné. A vous la joie d'annoncer à des voyageurs harassés et sur les nerfs - qui viennent parfois de passer cinq heures dans un Tgv pour un trajet de deux heures - qu'ils vont pouvoir attendre le lendemain matin... dans un Tgv ! Vlan, quelle bonne nouvelle ! Soyons honnêtes, ce n'est pas le moment que vous préférez dans votre métier... Même en les installant dans les voitures de première classe, en leur distribuant des coffrets collations pour se restaurer, de l'eau à profusion, des masques pour les yeux, un gardien sur le quai avec un chien pour garantir leur tranquillité et leur sécurité pendant la nuit, vous n'êtes pas fiérote du tout. En douce et dans le meilleur des cas, vous aurez trouvé des chambres d'hôtels pour les familles avec enfants, les personnes âgées et celles à mobilité réduite, mais tout cela reste peu glorieux... Jusqu'au jour où vous vous rendez compte que la grande majorité des voyageurs est terriblement inquiète de ne pas savoir ce qui va se passer à l'arrivée, que souvent elle ne connaît pas Paris et craint de devoir passer la nuit dehors ou sur un banc dans la gare.
Et c'est ainsi que vous vous retrouvez à expliquer, en y croyant presque : "au pire, je dis bien au pire, nous vous accueillerons dans une rame d'attente de manière à ce que, au moins, vous soyez au chaud, avec des toilettes à disposition et une petite collation". Allez, la méthode Coué a du bon quand il faut faire avec ce que l'on a !
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PS : amis cheminots : non, non et non !! On ne peut pas appeler une rame Tgv une "rame dortoir" ou une "rame dodo" ! Enfin, moi je n'ose pas...