(pour écouter la chronique il faut être équipé de Real Player, je donne d'autant plus volontiers le tuyau que j'ai eu beaucoup de mal à y arriver hihi)
5 h 45 :arrivée en gare. Votre service commence officiellement à 6 h mais détestant farouchement partir sur les chapeaux de roues, vous préférez depuis longtemps arriver un peu en avance et prendre vos marques...
6 h : les ordinateurs ont bien voulu démarrer, les trains sont là, rien de spécial dans les documents du jour, pas trop de mails, les collègues arrivent doucement, vous commencez à vous réveiller.
6 h 13 : patatras !!! comment ça le Tgv de 6 h 15 est en panne ??????? En réponse au collègue qui vous annonce la nouvelle à la radio vous ululez votre désespoir dans toute la gare sur le thème de "c'est trop injuste" avant de vous ruer sur le quai. Le conducteur vous confirme l'affaire : couic en panne ! Il demande d'ailleurs le secours (expression ferroviaire qui va inexorablement se traduire pour vous en un transbordement au petit jour, pas bien compliqué mais "trop injuste"). 10 minutes plus tard, coup de théâtre : le conducteur arrive à se dépanner ! Vous piquerez encore une bonne petite crise de rogne parce que des collègues mettront 20 minutes à tomber d'accord sur la bonne procédure pour autoriser ce malheureux train à finalement partir mais bon, avec 40 minutes de retard il roule !!!!! Ouuuuuuf.
7 h 05 : au grand jeu des malades, parents dotés d'enfants malades, métros en retard et autres absences imprévues, il vous manque du monde pour faire tourner votre boutique et vous devez vous résoudre à ne pas ouvrir un kiosque d'accueil.
Ca va se calmer, on y croit : "ça va se calmer".
7 h 30 : premier café !!!!
8 h 05 : accueil frisquet du patron des collègues qui nous ont aggravé le retard du Tgv tout à l'heure "parce que, bon, pourquoi il n'y aurait que moi qui déguste à la prise de service ?" :)
Ca se calme...
9h45 :sauvetage d'un moineau. Enfin, d'un bébé moineau, signalé par des voyageurs, qui est tombé du nid et n'arrive pas à s'envoler, le tout dans un endroit de fort passage. Hop hop on traverse la gare ("oooh la dame elle a un oiseau dans la main" ; "oooh comme c'est mignon" ; "ooooh ben ils n'ont que ça à faire à la Sncf" ...). Dépôt de l'oisillon dans un coin tranquille (une chance sur deux, soit il apprend rapidement à voler, soit il sert de déjeuner aux chats).
9 h 55 : sauvetage d'une vieille dame. En revenant de l'opération "moineau" et à peu près au même endroit, c'est une dame âgée qui cette fois git sur le dos. A priori elle n'a rien mais comme elle a chuté alors qu'elle est équipée de deux prothèses de la hanche elle n'ose plus bouger. Intervention des pompiers de la gare. Nous partageons rapidement notre commune incompréhension : la dame dit avoir été renversée par les portes de l'ascenseur qui se sont refermées sur son sac à dos, l'ascenseur en question est à 30 mètres de là, ne cherchons pas à comprendre, laissons faire les pros.
Période définitivement calme ?
10 h 15 : entrée en réunion (avec autorisation expresse de sortir en urgence si besoin eh eh) ; réunion ; commentaires a posteriori sur la réunion ; organisation de la prochaine réunion ; etc.
11 h 30 :arrivée de votre collègue de journée, vous voici moins seule mais c'est calme.
12 h 00 : le Tgv 1234 part à l'heure.
12 h 15 : échappée rapide vers l'épicerie de quartier, achat salade-yaourt, ingestion devant ordinateur, traitement mails devenus trop nombreux, petites tâches administratives, etc.
13 h 00 :plus qu'une heure à tenir et c'est finiiiii ! Patatras bis repetita !!!!! Le Tgv 1234 parti à 12 h a royalement parcouru... 8 kilomètres ! Trahi par sa mécanique, il est échoué un peu plus loin sur la ligne et va revenir en gare pour que les voyageurs changent de rame. Il était dit que vous transborderiez aujourd'hui... Comme nous sommes aux heures des repas et que le retard sera largement supérieur à 2 heures vous héritez, en prime, du devoir de nourrir vos clients, soit 750 personnes (qui peut me dire rapidement combien font 757 divisés par 12 ?). Evidemment, il est l'heure de changement de service en gare donc plus ou pas encore de bras forts pour manipuler et distribuer les (environ) 60 cartons de 12 coffrets-collation ; vous en oubliez de nourrir aussi le conducteur qui vous en voudra ; sale fin de service !!!!
14 h 30 : vous posez le pied à l'extérieur de la gare, vous n'avez pas vu passer la matinée, vivement demain qu'on remette ça ! Noooon, je plaisante ou alors sans le début et sans la fin :)
La Sncf prie les voyageurs du Tgv en provenance de Ixeville, voie A, d'accepter ses excuses pour avoir été confrontés à trois énergumènes en uniforme bleu et casquette qui leur ont distribué des "enveloppes régularité" alors que leur train était... parfaitement à l'heure !
Dans la foulée, si les voyageurs du Tgv en provenance de Zedville, voie B, avec 50 minutes de retard voulaient bien pardonner aux trois agents Sncf présents sur le quai de leur avoir distribué des "enveloppes régularité" dans un état d'hilarité totalement déplacé vu les circonstances...
(que voulez-vous... une soirée un peu riche en événements, deux trains sur le même quai qui arrivent un peu avant minuit à quelques minutes de différence, des agents qui courent car en retard pour les f...ues enveloppes et hop : le loupé ! Enfin, on a bien ri...)
Voila, c'est dit. Le tabou est transgressé. L'indicible est formulé. Au fil des chroniques, j'ai évoqué régulièrement la sacro-sainte "sécurité" à l'origine de bien des maux des voyageurs : le sujet est délicat à traiter d'un ton léger ; assommant sous son angle technique ; un vrai casse-tête et pourtant...
Eh bien oui ! Carrément ! Le train ... est dangereux ! Bizarrement, alors que Monsieur/Madame Toutlemonde prend son volant tous les jours en ayant vaguement à l'esprit que la voiture tue (même si cela n'arrive qu'aux autres évidemment) ou que les phobiques de l'avion sont si nombreux qu'il existe des "programmes de familiarisation" dispensés par les compagnies aériennes, fort peu des voyageurs s'apprêtant à monter dans un train ont peur de ce qui pourrait leur arriver. La vérité est terrible : ils ont tort !
Un train est avant tout lourd, du coup cela met environ 4 fois plus de distance qu'une voiture pour s'arrêter et, en plus, il roule - comme son nom l'indique - sur un chemin de fer (pas moyen de braquer rapidement pour éviter un accident sans parler des contraintes mécaniques) : deux inconvénients majeurs. Le côté positif des choses est historique : comme les défauts du système existent depuis le début (1827 quand même en France hmmm) les générations de cheminots ont eu le temps de trouver des parades...
Dans un premier temps et juste pour le plaisir de faire frémir dans les familles, je vous propose une petite revue en détail des vrais gros risques (évidemment contrés par une organisation redoutable : des techniques ; des textes ; des formations mais à chaque jour suffit sa peine).
Le nez-à-nez Se présente plus particulièrement lorsque les trains circulent sur une seule et unique voie mais pas seulement... Donc en résumé puisque l'expression est parlante : deux trains qui se percutent face à face, alors qu'ils roulent bien entendu... vlam. Conseil de cheminot : éviter la première voiture des trains.
Le rattrapage Là, ce serait plutôt un train qui rentrerait dans un autre "par derrière", genre : celui de devant est arrêté et le suivant continue à rouler à normalement ; vlam. Sur autoroute on appelerait cela un carambolage. Conseil de cheminot : éviter la dernière voiture des trains.
La prise en écharpe Soit deux voies ferrées se rejoignant, si l'on ne gère pas (au point de jonction) quel train passera en premier, la locomotive de l'un a tous les risques de rentrer dans les voitures de l'autre... vlam. Conseil de cheminot : s'assoir côté paysage et non côté "entrevoies" ; ne pas oublier de changer en route si besoin.
Le déraillement par excès de vitesse Non pas que les conducteurs soient des chauffards du rail - loin de là - mais l'erreur est humaine et la circulation sur des rails compliquée (coin fragile : on ralentit, travaux : on ralentit, ...). Au moindre relachement de l'homme ou des infrastructures : vlam. Pas de conseil de cheminot car pas grand chose à faire.
L'obstacle sur les voies Des rochers, des véhicules routiers ou des arbres sur les voies et vlam. A part éviter - encore et toujours - la première voiture, le cheminot n'a pas non plus là beaucoup de conseils à prodiguer...
A voir comme cela, ce n'est pas joli-joli et je suis bien désolée d'avoir dû lever le voile sur toutes ces potentielles catastrophes ; vivement le prochain chapître : qui fait quoi pour éviter ça ?
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PS : le titre est une citation - qui m'a marquée au fer rouge - de M.E. pour qui le reconnaîtra (merci à lui de m'avoir ouvert les yeux et inculqué le virus sécuritaire - dans le sens ferroviaire du terme).
Non Madame, non Monsieur, la chef de gare ne se lasse, ni ne s'ennuie mais confrontée aux mêmes situations tous les jours passe doucement de "nom d'un petit bonhomme !" à "ben tiens, ça faisait longtemps...". Attention : je n'ai pas dit blasée ! Plutôt une sérénité de plus en plus affirmée face aux incidents qui se suivent et se ressemblent ! Soit trois grandes familles d'anecdotes répétitives : les pépins de trains, les aventures des agents et les tribulations des voyageurs. Aujourd'hui : les voyageurs !
Wanted : valises voyageant seules Le cas est simple : un voyageur s'installe dans son train, dépose sa valise dans le porte-bagages, ses manteau-ordinateur-magazine-mallette à sa place puis repart en gare pour aller s'acheter un sandwich, passer un coup de fil, composter son billet avant de découvrir, en revenant, que... le train est parti avec ses affaires dedans ! Eh oui, c'est rageant... Rien de bien compliqué mais que de temps perdu : faire prévenir le contrôleur pour qu'il parte à la recherche des différents bagages (et que l'on évite aussi le syndrome du colis suspect dans le train) ; se concerter avec lui pour qu'il confie l'ensemble à la gare de destination du client ; prévenir les collègues sur place d'être présents pour réceptionner le tout ; si le titre de transport est aussi resté dans le train : autoriser le voyageur à prendre le suivant (ou l'envoyer en racheter un autre au guichet selon votre sensibilité commerciale) ; lui expliquer comment il pourra récupérer ses biens à l'arrivée : compter une bonne heure de palabres et coups de fil.
On a perdu le You-koun-koun Dans l'autre sens, les voyageurs à l'arrivée se rendent régulièrement jusqu'au métro ou taxi, voire jusqu'à chez eux, avant de réaliser qu'ils ont oublié quelque chose dans le train. De retour en gare, c'est la panique car il s'agit bien évidemment de sacs à main, ordinateurs ou téléphones portables ; billets d'avion pour lune de miel ; radios, scanners ou Irm ; enveloppe d'argent liquide... du lourd ! Et là, le facteur chance personnelle est déterminant : soit l'objet a été récupéré par quelqu'un d'honnête, soit pas. Dans le premier cas, il aura été confié aux agents de la gare, au service des objets perdus ou à la Police ; dans le deuxième il ne restera aux oublieux que leurs yeux pour pleurer... Mais cela aura pris encore bien du temps aux agents de la gare pour expliquer les processus, vérifier un peu partout que les différents services n'ont rien retrouvé, etc... Autre option à l'arrivée, tout aussi classique et chronophage : les échanges de valises. M. Dupont se retrouve avec les vêtements et affaires de toilettes d'un inconnu : tant que celui-ci n'aura pas découvert la mésaventure la restitution va être difficile car, en application de la loi de Murphy, les bagages concernés ne sont jamais étiquetés (ce n'est pourtant pas faute d'insister lourdement)... On ne saurait trop conseiller d'éviter résolument les modèles et couleurs trop classiques :) Le mystère du train invisible Très angoissant à vos débuts mais désormais bien géré, le cas des voyageurs ayant raté leur train car "il n'a jamais été affiché". Il s'agit neuf fois sur dix de personnes de bonne foi, arrivées en avance en gare, qui ont attendu sagement à proximité du tableau des départs et puis, voyant l'heure passer, ont réalisé que le train était parti sans qu'elles aient vu sa voie affichée. Après avoir vérifié - par acquis de conscience - qu'il n'y avait pas eu de souci à l'affichage, vous en êtes réduite à expliquer à vos clients qu'ils ont du faire une erreur ou être distraits. On proteste, on tempête mais vous avez l'argument suprême : où sont donc passés les 436 (ou 952) autres voyageurs de ce train ??? S'il n'avait pas été affiché tout le monde serait resté en gare donc... donc... donc ? Aucune explication scientifique à ce jour ! On se quitte en général fâchés...
L'inquiétant train fermé Soyons honnêtes, il est des cas où la Sncf ne facilite pas la vie des voyageurs. Très ordinaire, celui des trains qui partent avec deux rames dont une restera vide (explication technique : nous aurons besoin de cette rame pour le retour - un dimanche soir par exemple - mais à l'aller il n'y a pas beaucoup de demande comme un samedi midi, une des rames sera donc "commerciale" avec des clients et du personnel de bord dedans, l'autre sera "haut le pied" soit vide. Intérêt du truc : on économise un conducteur et de la place sur les lignes, ouuuuuf). Donc : un train composé de deux rames sur un quai ; une des rames est fermée, plongée dans le noir et sur les petits écrans à côté des portes on peut lire "rame inaccessible" ; des écrans sur le quai qui précisent "rame de tête : voitures de 1 à 8 ; rame de queue : ne prend pas de voyageurs" ; des annonces sonores sur le quai qui disent, en gros, la même chose. Il n'empêche qu'un certain nombre de clients restent sur le fameux quai en question après le départ du train car s'étant acharnés à vouloir entrer dans la rame fermée... Bon là chacun fait ce qu'il veut : je comprends les collègues qui considèrent que l'information était
compréhensible et que, tant pis, allez donc racheter un billet mais pour ma part, j'ai tendance à trouver que ce n'est pas si évident que cela et que, zou, un geste commercial "ça fidélise la clientèle" !
Et voila comment on devient un "chef de gare confirmé" :)
Depuis 10 jours déjà, les cheminots ont reçu une jolie note de service qui leur rappelle le changement d'heure légale de ce 30 mars et les dispositions à prendre. Cette courte page A4 reprend l'information principale (on change d'heure) et renvoit à un "document d'application" très officiel de 9 pages dont voici quelques extraits que j'estime savoureux :
- Objet du texte :ce texte doit permettre aux utilisateurs de connaître les actions qu'ils ont à mener lors des changements d'heure légale (au cas ou personne n'aurait donc compris : on change d'heure et il y a des trucs à faire) ;
- Résumé des principales évolutions et nouveautés : prise en compte des simplifications apportées par l'arrêté du 3 avril 2001 (pris suite à la directive européenne 2000/84/CE) relatif à l'heure légale française (on sent bien tout de suite le côté simplifié de la chose) ;
- Généralités : dans les départements métropolitains de la République Française, la période de l'heure d'été commence le dernier dimanche du mois de mars à 2 heures du matin. A cet instant, il est ajouté une heure à l'heure l'égale. La journée du changement ne comporte que 23 heures par suite de la neutralisation d'une heure (allons bon, c'est officiel, aujourd'hui ne compte que 23 heures...) ;
- Mise à la nouvelle des horloges et montres:
Chaque agent en service le jour du changement d'heure légale et à l'heure prescrite doit le plus rapidement possible, mettre sa montre à la nouvelle heure, c'est-à-dire l'avancer d'une heure au printemps ou la retarder d'une heure en automne (ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément) ;
Les Régions doivent prendre toutes les dispositions utiles pour faire mettre rapidement à la nouvelle heure les horlogies des établissements (...). S'il apparaît que les horloges de certains établissements ne pourront pas être mises à l'heure le jour du changement de l'heure, les Régions doivent, dans toute la mesure du possible, faire procéder, la veille au soir, à l'annulation des horloges en cause par deux barres en croix (on ne rigole pas du tout : soit on est à l'heure soit on est annulée : de la vie des horloges en gare...) ;
Les agents des trains ne devront pas tenir compte du décalage horaire des horloges qui n'auront pas pu être mises à la nouvelle heure au moment du changement de l'heure (si si c'est logique : comme ils ont mis leurs montres à l'heure au point 1 ils peuvent ignorer les horloges non rectifiées du point 2, j'en ai vu deux qui ne suivaient plus au fond près du radiateur) ;
Et, rendus à ce point, j'arrête là les extraits de ce texte (qu'il m'est formellement interdit de sortir de l'entreprise et que je retirerai à la première demande d'une autorité compétente gla-gla) pour aborder le meilleur sous forme de prose personnelle. En effet, selon la période de l'année, le sort des trains va être radicalement différent :
- au changement d'heure du printemps, les trains prennent, en principe - vlam, une heure de retard et tout le monde est prié de faire de son mieux, dans le cadre des réglements de sécurité, pour réduire le dit retard ; - au changement d'heure d'automne, les trains de voyageurs sont, en principe, tous systématiquement arrêtés une heure pour repartir à l'heure prévue de la gare où on les bloque.
J'y vois, trivialement, une explication logique : nous savons faire rouler les trains en retard :) !
(Plus sérieusement, les trains ne peuvent pas rouler en avance, c'est dangereux sauf dans sur quelques lignes prévues à cet effet, c'est - encore une fois - la sécurité qui explique cette différence de traitement mais le raccourci était irrésistible).
Résultat des courses : un seul et unique agent Sncf de ma gare s'est "loupé" avec la nouvelle heure ; plusieurs dizaines de voyageurs ont raté leur train : peut-être faudrait-il envisager de distribuer les textes réglementaires, ingrats mais exhaustifs, à nos clients ???
Les blogueurs sont atteints d'une maladie honteuse qu'ils se refilent les uns aux autres avec entrain ou sadisme et qui vient malheureusement de m'atteindre : le questionnaire ! Une fois n'est pas coutume...
- Mettre le lien de la personne qui vous a tagué : le papa de Sigmund(ah le fourbe !) - Mettre le règlement du tag sur le blog (voila) - Mentionner 6 habitudes ou tics sans importance sur vous même
Palpitant non ? Allons-y pour quelques révélations sans intérêt :
1- Avant de partir travailler, je regarde systématiquement sur infolignes quelle est la situation du trafic sur ma région histoire de me préparer psychologiquement à ce qui m'attend en gare. Non, je ne suis pas d'un naturel bileux :)
2- Mon sifflet est dans la poche gauche de mon pantalon de service : celle-là, pas une autre. Quand il n'y est pas c'est qu'il est dans ma main droite et que la chaîne mouline furieusement autour de mon index... Je n'ai jamais oublié ou égaré mon sifflet. Il me suit depuis 18 mois même s'il commence à s'écailler un peu. Je ne l'ai prêté que deux fois (dont une au chef). Non, ce n'est pas un trouble obsessionnel-convulsif, c'est un doudou :)
3-Quelque part au bureau, j'ai une planque avec : des t*c-tac de réserve, des chips de réserve, un paquet de drogue en vente libre de réserve, un stick déodorant de réserve, un badge de réserve, une mini-boîte à couture de secours, une couverture de survie. Non, je n'entasse pas : je prévois :)
4-Impossible de passer sous un panneau d'affichage des trains sans immédiatement vérifier à ma montre (ré-alignée à la seconde près sur l'horloge parlante une fois par mois) que toutes les voies sont bien affichées 20 minutes avant le départ. Non, je ne dis pas merci au rouquin qui m'a refilé ce tic :)
5- Le problème du point précédent : suis nulle en calcul mental, pas fichue de calculer en base 60, à quelle heure faut-il donc afficher le 19h04 ??? Alors, laborieusement, je soustrais "moins 10 = 54 ; moins 10 = 44"... pour chaque train ! Non, je n'ai pas un métier facile :)
6- Quand la journée est finie, au moment de partir vers le vestiaire, je compte tous les jours jusqu'à 5... Radio, casquette, sacoche, parka, foulard : le nombre de franfreluches à rassembler pour les ranger. Si j'oublie de compter, je suis bonne pour oublier quelque chose et devoir faire un aller-retour (ce qui peut être lassant vers 2 heures du matin)... Oui, c''est triste de vieillir :)
- Taguer 6 personnes à la fin de votre billet en indiquant les liens de leurs blogs (eh bien non je ne mange pas de ce pain là !) - Avertir directement les personnes taguées sur leur blog (sans objet)
Entendue lors de sa nomination, cette phrase du nouveau patron de la Sncf trotte depuis dans ma tête... Loin de m'apparaître comme un bon mot ou une profession de foi de circonstance, elle me frappe car je peux la reprendre à mon compte... Aux quatre coins de la France, sans nous connaître, de tous âges et dans des métiers différents, nous sommes des dizaines de milliers de collègues finalement atteints du même mal : "accros" au chemin de fer ! Que le virus ait été là avant l'embauche ou qu'il se soit développé au fil des années dans l'entreprise est anecdotique : mordus nous sommes... Dans le cadre de cette chronique "analytico-métaphysique" je vois plusieurs explications, personnelles, à cette passion - pour ma part - inattendue.
Un monstrueux puzzle industriel
Pierre angulaire de ce blog, l'adage "rien de plus banal que de prendre un train, rien de plus difficile pourtant à faire rouler" essaye de refléter l'énorme complexité du système ferroviaire. Combien de nouveaux présidents, de jeunes cadres chargés de "rapports d'étonnement", de parlementaires, de consultants ou d'agents frais émoulus se sont cassé les dents sur l'invraisemblable mille-feuilles d'hommes et d'organisations que représente un bon vieux train qui roule... ? On voit rapidement tout ce que l'on pourrait changer pour améliorer les choses mais toucher à un détail menace l'ensemble ; très agaçant car soit l'on est cantonné à des bricoles, soit il faut des années pour modifier un point essentiel. Etre une vieille dame de 70 ans, bâtie sur des réseaux indépendants à l'origine, vous met en 2008 à la tête de superpositions historiques de technologies et de pratiques qui ne se bousculent pas comme cela. Comme la langue arabe, "plus on apprend, plus c'est compliqué'... Et plus c'est palpitant ! Un motif d'addiction, un !
Une surprenante cohabitation de high-tech et de vieillot
A l'heure du Tgv à 320 km/h, du billet imprimé à domicile voire "dématérialisé" (sur téléphone portable), des bornes automatiques, du paiement par carte bleue à bord des trains, etc.. nous ne nous en vantons pas forcément mais le poste d'aiguillage d'une des plus grandes gares françaises date des années 40, la carte de France visualisant tous les trains qui roulent au même moment n'existe pas, les agents font eux-même le ménage de leurs locaux dans bien des endroits et nos locomotives ont parfois largement dépassé l'âge de la retraite (sans risque bien entendu). Faire fonctionner le mieux possible le "fleuron de la technologie française" sur des installations hors d'âge fait partie des paradoxes quotidiens ou l'on peut trouver de l'émulation, et de deux !
Des coûts de folie : tout est cher dans le train mon brave monsieur
Et si on mettait plus de trains en service ? Excellent idée, faites votre marché : un Tgv Duplex (deux étages) : 25 millions d'euros ; un joli Ter tout neuf : 4 millions d'euros... Et si on créait une voie supplémentaire ? Hum, juste pour maintenir le réseau en l'état Réseau Ferré de France dépense 1,7 milliard d'euros par an et peine à trouver les 750 millions nécessaires pour changer ou moderniser des équipements... Construction d'une gare neuve : 9 millions d'euros pour Champagne-Ardenne. Continuer à progresser alors que le moindre boulon vous coûte un oeil est aussi un défi, et de trois !
Une culture d'entreprise, un esprit cheminot, des valeurs sociales
Pour être arrivée tardivement à la Sncf, la collégialité y est dépaysante... Tutoiement général, vie associative foisonnante, investissement syndical ô combien vivant, jargon ferroviaire mâtiné de verdeur virile, critique permanente et virulente en interne mais défense systématique et fervente à l'extérieur : il faut trouver le mode d'emploi ! Mais aussi, et surtout, une vraie préoccupation de l'autre, un soutien incroyable lors des coups durs personnels, un genre de famille qui ne s'impose pas mais qui dégaine si l'on a besoin d'elle... Dans le même temps, une entreprise qui embauche encore au niveau Brevet ; où l'on peut progresser aussi bien vers le haut, via des examens internes, que vers de nouveaux métiers, via des reconversions ; où la mixité sociale n'a pas attendu l'effet de mode ; où les origines raciales, religieuses, culturelles se côtoient plutôt harmonieusement... Pour la première fois de ma vie, la "collectivité nationale" n'est pas une notion abstraite mais une réalité : nous participons à des services, pour un immense public, à un service public ? Même si le sujet est vaste et évolue, nous faisons partie d'une entreprise dont les français se sentent propriétaires (exigeants d'ailleurs) et pour lesquels nous faisons souvent du mieux que nous pouvons. Et de douze !
Tout cela pourrait être vrai dans une autre entreprise, un autre secteur d'activité : alors ?
Alors, inexplicable, irrationnel, invraisemblable : le train...
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PS : il manque ici un mot vital : "sécurité", obsession professionnelle généralisée, sujet d'une chronique à part entière, à venir...
Objectif de la mission : votre gare et vos trains doivent être propres ! Données du problème : 80 000 personnes vaquent dans l'une et les autres tous les jours ; les lieux sont vides très exactement trois heures chaque nuit ; vous avez des figures imposées (un niveau permanent de propreté) et des exercices libres (les incidents quotidiens à faire disparaître au plus vite) ; le tout est mesuré-évalué-noté car pèse lourd dans la satisfaction de vos clients. Atouts : la Sncf met le paquet sur la propreté et le chef de gare a, sur ce coup là, des moyens dignes de ce nom : entreprises extérieures avec du personnel en nombre, du matériel, des objectifs précis, des obligations...
En gare
Hit-parade : crottes de chiens, boissons renversées, papiers papiers et papiers. L'ennemi inattendu : le pigeon
Au fil de la journée, on passe le balai l'air de rien entre les voyageurs, on vide les sacs poubelle (qui ne doivent pas être pleins à plus de 50%), on ramasse ce qui traîne un peu partout, on brique les rampes d'escalier ou les portes d'ascenseur : comme la ménagère en sa maison, on entretient au long cours la propreté des lieux. Toutes les nuits, en revanche, se joue l'équivalent du grand ménage du samedi : sols récurrés à fond à grands coups de machines industrielles, lavage des zones innaccessibles en période de fréquentation du public et... nettoyage des voies ! Qui révèlent une fois les trains partis : papiers, sacs plastiques, billets de trains, gobelets et bouteilles, j'en passe et des pires (à se demander pourquoi il y a des poubelles sur les quais). Avec quelques mesures de sécurité pour éviter que le personnel ne se fasse écraser, on profite donc de la nuit pour aussi nettoyer les voies soit à la main (avec une petite pince en plastique et un sac poubelle, à l'ancienne), soit à l'aspirateur (un gros aspirateur...).
Tout cela relève du travail de fond, incessant, ingrat car ne se voyant que lorsqu'il n'a pas lieu. S'y rajoutent les actions en urgence lorsque les agents Sncf rencontrent un souci lors de leurs déambulations en gare. "Avis, avis : déjection canine voie V repère R ; café renversé à côté du guichet 22 ; morceaux de verre au pied de l'escalator E". Retransmis à l'entreprise de nettoyage, l'incident doit être géré... rapidement ! Entre le moment du signalement et l'intervention, pas plus de 15 minutes sinon... pénalité ! Pourtant, que celui ou celle qui n'a jamais "gardienné" une (énorme) bouse canine me jette la première pierre : quinze minutes à essayer d'empècher 400 personnes de piétiner dans la .... peuvent paraître longues :)
En gare, enfin, se pressent aussi les pigeons... Qui, non contents de traverser les plate-formes à tire d'aile à la vitesse de chasseurs de l'armée de l'air en slalomant entre les têtes des passants (brrr), laissent derrière eux les souvenirs que l'on sait ! Point tant sur les clients eux-mêmes que sur les sols (ça glisse !), pylones et autres mobiliers de gare (beurk). Un mot aussi sur la graisse : l'exploitation ferroviaire demande encore l'utilisation de bonne grosse graisse bien grasse (je fais les alitérations que je veux) pour le matériel : sur le joli pantalon blanc d'une cliente c'est toujours un bonheur !!!
Dans les trains
Hit-parade : vomis, reliquats de repas, papiers papiers et papiers. L'ennemi inattendu : le paquet de chips
Finalement, le nettoyage des trains est beaucoup plus simple ! Pratiquée, soit à l'atelier de maintenance, soit en gare pour les demi-tours, la technique est bien maîtrisée. Présente sur le quai à l'arrivée du train, une bonne douzaine de personnes prend d'assaut la rame : à qui l'aspirateur, à qui les toilettes, à qui le ramassage de la presse : les bonnes équipes vous "descendent" un Tgv en 10 minutes chrono, chapeau bas ! Il faut toujours rester un peu vigilant pour que, tout de même, les voyageurs aient le temps de descendre avant l'envahissement par les forces nettoyantes mais, à cela près : une affaire qui roule ! Lorsque les trains restent un peu en gare, certains entretiennent aussi l'extérieur : on fait le "pare-brise" ; les vitres côté paysage ; les portes...
Les incidents sont également plus réduits : 99% des interventions en urgence à bord d'un train se font pour un petit... malaise digestif avant le départ. Monsieur Nettoyage dispose alors d'un vaporisateur très très efficace puisque le souci reste avant tout olfactif... Tout le monde se demandant, je n'en doute pas, pourquoi l'ennemi inattendu est le paquet de chips j'explique la chose : les résidus de petites chips bien écrabouillées, soigneusement étalées sur deux mètres carrés de moquette, ont une tendance aussi fâcheuse qu'incontournable à s'accrocher aux poils de la dite moquette et à résister aux aspirateurs les plus robustes ! Dans le même temps, un sol recouvert de confettis jaunes et gras gâche irrémédiablement l'effet général de propreté de la rame : on n'en sort pas !
Tant qu'à avoir été désignée par le sort pour être LE chef de gare de soirée le 31 décembre, partageons l'expérience...
16h30 Arrivée en gare et prise de température : affluence moyenne, agitation moyenne, tendance générale "beaucoup de couples, peu de familles, peu de bagages..." ca va aller ! Au bureau, rien à signaler de particulier, autant faire le tour des popotes et organiser un point de rendez-vous pour partager un jus de fruit / foie gras puisque j'ai apporté de quoi grignoter ? A 21h30 les équipes de soirée seront encore là, à 22h celles de nuit arriveront : c'est décidé ! Les collègues du Matériel qui veillent à la bonne forme des Tgv sont un peu épatés d'être conviés : le décloisonnement a encore de beaux jours devant lui...
18 h Petite frayeur : un Tgv a heurté un animal sur la ligne à grande vitesse et tous les autres sont bloqués derrière lui... De 20 minutes à 1 heure de retard pour une dizaine de trains : aïe, aïe, aïe, j'en connais qui vont passer le réveillon à Paris dans un hôtel offert par la Sncf au lieu de rejoindre le lieu prévu pour leurs festivités... Un contrôleur en particulier fait - au téléphone - des pieds et des mains pour que nous retenions le dernier train pour Xxx, coincé sur la ligne, il voudrait bien pouvoir rentrer chez lui... Hélas, les retards s'aggravant, le train partira à l'heure et le collègue, "sans chemise sans pantalon" (de rechange) finira au foyer du coin : allons allons il y a de pires endroits que Paris pour un réveillon en solitaire non ???
20 h Finalement, ce n'est pas si grave : le temps d'accueillir les clients en retard et de gérer les éventuelles ruptures de correspondances, nous devrions avoir fini pour 21h30 - comment il n'y a que ça qui nous intéresse ??? mais toute la France ne pense qu'à ça aussi :)
21 h Tour de gare : tiens, ce n'est pas comme d'habitude ! On ne croise que des couples ou des petits groupes, les femmes sont élégantes (maquillées, coiffées, parfumées, perchées sur des talons aiguilles, bref pomponnées), des inconnus nous disent bonsoir et nous souhaitent une bonne année : ouh la l'esprit des fêtes a frappé !
21h20 Préparatif de la collation, appel des troupes disponibles (avec une pensée pour ceux coincés en kiosque d'accueil qui assureront l'indispensable service aux voyageurs) et lancement des festivités : chefs de service (qui donnent le départ des trains), agents d'accueil, agents du Matériel, chef d'escale et ses adjoints, nous sommes une petite douzaine à partager ma petite collation pendant que la gare va decrescendo...
22h46 Deuxième frayeur : sur le dernier train au départ, une bande de (jeunes) voyageurs éméchés met (déjà ?) le bazar... Sur le quai, le chef de gare voit arriver les forces de l'ordre en nombre et bien remontées : on sent que la soirée ne va pas être facile pour tous... Après une mini-poursuite dans les couloirs du train, tout ce petit monde descend s'expliquer, nous faisons -vite, vite - partir le train ; nouveau tour de gare où les rares passants sont de plus en plus bruyants ; retour au bureau.
23h56 On passe tous la tête par la porte pour voir comment vont se passer les dernières minutes en gare. Mais pourquoi donc les collègues du Matériel partent-ils en courant sur les quais ??????
00 h Brusquement, les cornes de Tgv présents en gare résonnent à grands coups : il est minuit, la gare est déserte dans une légère brume sous les verrières, mes yeux s'embuent un peu, beaucoup... Aaah sacrés petits gars du Matériel partis respecter les traditions en faisant siffler les trains ! Des collègues improvisent une annonce sonore où "les agents de la gare vous souhaitent une bonne année 2008". Je me reprends, pars embrasser tout le monde, boucle mon rapport.
00h30 Service fini, retour vers la maison avec encore un peu d'émotion, comment peut-on être assez fleur bleue pour se laisser émouvoir par trois coups de klaxon dans une gare vide, franchement, hmmm ???
Bonne année à toutes et à tous !!!! Que 2008 soit... juste comme vous la souhaitez !