Annonce en gare "en raison de manifestants sur les voies, le train xxx en provenance de Strasbourg aura 1h30 de retard, la Sncf vous remercie de votre compréhension". Sur un quai désert, le chef de gare voit un voyageur débouler de l'escalier et lui foncer dessus :
Quidam - ah ben bravo !!! tout est possible à la Sncf !!!!
Chef de gare - bonjour Monsieur, puis-je vous aider ???
Quidam - une heure et demie de retard !!!! félicitations !!!
Chef de gare - ah ouiiii : en effet, il y a eu un problème à Strasbourg et...
Quidam - ben tiens, un problème, vous vous y connaissez en problèmes à la Sncf hein ???
Chef de gare - c'est à dire que dans ce cas précis...
Quidam - mais oui, mais oui, ce n'est jamais votre faute, on connait la chanson !!! Une heure et demie de retard !!!
Chef de gare - laissez-moi vous...
Quidam - pas votre faute : vous prenez les gens pour des imbéciles oui !!!
Chef de gare - Monsieur, je vous assure que...
Quidam - Remarquez, moi je m'en fiche : je pars dans une heure pour La Rochelle, ça ne me concerne pas...
Parmi les mille et une petites tâches qui égayent la journée d'un chef de gare, il en est une dont les joies sont terriblement répétitives : la gestion des objets perdus. Egarés dans les trains ou en gare, gros ou petits, avec ou sans valeur, putrescibles ou pas : leur variété n'est concurrencée que par leur phénoménale quantité...
Du tout-venant au moins courant
De manière assez attendue, le gros de la troupe des objets perdus se répartit entre sacs de voyage, sacs à main, portefeuilles (voir plus loin) et autres manteaux, vestes, écharpes... Chaque jour apporte aussi son lot de téléphones portables, d'appareils photographiques numériques et de lecteurs Mp3 à faire pâlir d'envie un catalogue spécialisé. Jusque là c'est la routine ! Parfois, votre journée sera illuminée par le recueil d'un objet nouveau dans votre collection : un four, un violon, une glacière, des tringles à rideaux, une guitare, des stores, un casque de football américain, une télévision.. Au fil des mois, on pourra extraire quelques statistiques farfelues sur différentes populations. Ainsi, les hommes d'affaire croient utile ou performant de regrouper en une même pochette leurs cartes de réduction, coupons mensuels et billets du mois à venir : en effet, en cas de perte c'est beaucoup plus radical ! Le nombre ridicule de « doudous » qui nous reviennent laisse à penser que les parents font preuve, sur ce point, d'une vigilance extrême. Enfin, les futurs mariés - probablement sous le coup de l'émotion à venir - perdent avec constance leur robe ou costume de cérémonie, leurs pochettes de dragées, leurs chaussures blanches, leurs menus de banquet...
Gros plan sur l'itinéraire d'un portefeuille égaré... et chanceux !
On n'imagine pas le périple que va subir un portefeuille tombé d'une poche dans un train et fermement décidé à retrouver son propriétaire... S'il n'est pas recueilli par un voyageur honnête ou un contrôleur, il lui faudra se faire suffisamment discret pour ne pas éveiller la cupidité des visiteurs des trains mais assez visible pour être récupéré par les agents du nettoyage et pouvoir ainsi échouer sur le bureau du chef de gare. Dans la version « happy end » de cette histoire, le cheminot trouve le nom du propriétaire dans le portefeuille, fait immédiatement passer une annonce dans la gare, l'heureux possesseur se présente rapidement, émouvantes retrouvailles. En version « unlucky », les annonces restent sans effet (la perte n'a pas encore été constatée, la personne a déjà quitté la gare, ...) et le portefeuille va devoir prendre son mal en patience car...
Les objets perdus deviennent des objets trouvés
Vu les quantités à gérer, les grandes gares disposent souvent de leur propre service "objets trouvés". Notre portefeuille y retrouvera ses compagnons d'infortune. S'il contenait une pièce d'identité ou un document avec une adresse, les agents du service enverront un petit mot pour informer que l'égaré est en leur possession, sinon il lui faudra attendre que son propriétaire se présente. Au bout de deux mois, les objets seront envoyés au service des Domaines qui les vendront en lots de parapluies, téléphones, ... Les pièces d'identité sont, à ma connaissance, détruites... Dans l'autre sens, les voyageurs ayant perdu quelque chose peuvent se présenter aux « objets trouvés » pour y déclarer une perte grâce à une petite fiche descriptive ; ils seront prévenus si l'on retrouve leur bien. Une exception toutefois : aucune denrée périssable n'est conservée.
Vie et mort d'un sac de victuailles
Ayant eu la chance d'exercer mes talents en gare en un mois de juillet ensoleillé, j'ai découvert - à mes dépens - le problème des provisions de voyage. Etant donné que le service des objets trouvés est fermé du vendredi soir au lundi matin, le chef de gare dispose de son propre local de stockage, petit, sombre et hermétiquement fermé mais bien pratique malgré tout. Jusqu'à ce samedi soir de (mini) canicule où venant déposer un énième balluchon, vous êtes assailli par une bouffée putride !!! Diagnostic évident : de la nourriture est en train de tourner mal. Intervention beaucoup plus difficile car il est totalement, absolument et réglementairement interdit d'ouvrir les sacs entreposés là... L'alternative est donc soit de tout jeter (à la rigueur après avoir mené une enquête olfactive pour repérer le coupable) soit de supporter la chose jusqu'au lendemain. Les deux options présentent des inconvénients sérieux : devoir expliquer à un client que vous avez jeté son sac de voyage pour un sandwich ou devoir convaincre vos collègues de travailler encore 24 heures dans cette puanteur. Foin du règlement et de l'éthique, vous vous retrouvez à faire le tri entre jambon-beurre moisissants, bananes liquéfiées, yaourts éventrés, ... sans oublier de maudire copieusement les vendeurs de souvenirs gastronomiques odorants. Vous êtes dans votre tort, vous le savez mais quelqu'un a-t-il une (meilleure) idée ???
La Sncf a été une des premières entreprises de transport à avoir décidé, sans contraintes légales, de dédommager ses voyageurs « grandes lignes » en cas de retards. L'idée a été, bien évidemment, adoptée tout de suite par les voyageurs qui savent désormais fort bien faire valoir leurs droits. Le détail navrant dans la vie du chef de gare est que tous les retards ne sont pas systématiquement dédommagés et que cette notion n'est pas bien connue de ses clients, ce qui lui vaut de longues heures d'explication de texte sans parler de longues palabres plus ou moins houleuses...
Le moins connu : ne valent que les retards imputables à la Sncf
Eh oui... Lors de la définition des retards qui seraient pris en compte, la Sncf et les associations de consommateurs (car tout cela a été dûment négocié) sont tombées d'accord pour que l'entreprise ne porte pas sur son dos tous les malheurs du monde. Ainsi, lorsque que le matériel tombe en panne, que le personnel n'est pas à bord à l'heure ou que les installations sont en dérangement c'est incontestablement une erreur de la Sncf et les voyageurs recevront à l'arrivée une jolie petite enveloppe « régularité » qui leur permettra de recevoir des bons voyages : c'est le fameux dédommagement. Mais la Sncf n'est pas responsable de tout ; les manifestants qui envahissent les voies, les inondations qui empèchent les trains de circuler, les sangliers en rut qui se font écraser et autres « accidents de personne » : autant de causes de retards qui ne feront pas l'objet d'une distribution d'enveloppes. Correctement expliquée, cette distinction est en général acceptée par le voyageur, ça rale un peu mais bon ... L'exercice est plus délicat lorsque plusieurs causes de retard s'enchaînent car il y a des trains qui cumulent les ennuis : un contrôleur en retard au départ, puis le malaise d'un voyageur à bord et une limitation de vitesse à cause de travaux pour ne citer que des cas vécus. Alors, les hommes de l'art calculeront les minutes perdues pour chacune des avanies subies par le train et trancheront en conséquence. A noter que dans ce cas de figure, les informations données dans le train donneront facilement l'impression d'être contradictoires et le doute sera là : la Sncf ne nous mentirait-elle pas pour éviter de nous dédommager ??? Et je n'ose évoquer les cas douloureux où un dérangement d'installation (faute Sncf) est en fait dû à une cause extérieure comme la foudre (faute météorologique) : on est passé près du lynchage pour moins que cela !
Le plus délicat : les 30 minutes de retard.
C'est pourtant simple, le fameux « engagement horaire garanti » (appellation officielle) s'applique donc pour tout retard imputable à la Sncf lorsque le train arrive à destination au moins 30 minutes après l'heure prévue. Ah mais voilà... prenez 10 personnes autour de vous et demandez l'heure : vous risquez fort d'avoir plusieurs sons de cloche... Multipliez le problème par une centaine – ou plus – de voyageurs arrivant en gare avec 29 minutes de retard et prévoyez de l'aspirine ! A vous les joies d'expliquer que tous les trains sont, en quelque sorte, chronométrés par un système de balises informatiques qui est la seule référence admise. « Certes, vous aviez 31 minutes de retard à votre montre mais... pas pour la Sncf ! Non, je nie pas que l'horloge de quai indiquait elle-aussi 31 minutes de retard, je dis simplement que ce ne sont pas les horloges qui font foi mais les balises, ce qui est particulièrement obscur j'en ai bien conscience mais c'est ainsi que voulez-vous... Oui, à une minute près nous pourrions dédommager ce retard mais il faut bien des règles n'est-ce-pas ??? Je ne vois aucun inconvénient à vous donner malgré tout une enveloppe puisque vous me menacez avec votre parapluie mais je vous informe que le service régularité qui traitera votre dossier se basera, lui-aussi, sur l'heure de la balise et que vous n'aurez donc rien (pas frapper, pas frapper) ».
Pour enfoncer le clou jusqu'au bout de cette affaire qui est comme une épine dans le pied des chefs de gare, sachez que nous révassons souvent au fait qu'il nous serait tellement plus simple, facile et agréable à vivre de distribuer nos fameuses enveloppes que de devoir les refuser et affronter ainsi des moments, disons difficiles...
Au fil des jours passés en gare on finit par remarquer des comportements, de plus en plus fréquents, des uns ou des autres. Jusqu'à très récemment, je n'avais pas fait attention mais depuis quelque temps je ne vois plus qu'eux : les photographes !Jeunes, vieux, seuls ou en groupe, armés d'appareils de taille et de technologie variées, pressés ou prenant leur temps, ils sont légion. Petite étude ethnologique en gare...
Souvenirs pour touristes
Pour peu que votre gare soit inscrite à l'inventaire des Bâtiments de France, qu'elle reçoive tous les jours des Tgv et se situe à Paris (première destination touristique mondiale), vous aurez envisagé l'achat de lunettes noires tant les flashes menacent votre vue ! Les vieilles pierres ont toujours du succès mais c'est incontestablement le Tgv qui remporte la palme du décor le plus apprécié, quelque soit la nationalité du photographe. Les inévitables touristes asiatiques attendent le départ de leur train en se prenant les uns après les autres en photo devant le "nez" de la motrice (la locomotive du Tgv en quelque sorte) : si ce n'était le sérieux avec lequel les modèles s'ingénuent à prendre des poses convenues, vous soupçonneriez l'espionnage industriel... De jeunes possesseurs européens ou internationaux de cartes "Inter-rail" viennent mettre un peu de fantaisie là dedans avec, tour à tour, différents effets de style : faire semblant d'embrasser la dite motrice, faire semblant d'avoir été renversé par le train (dos au train, les bras en croix, la figure révulsée), faire semblant d'aller plus vite que le train (pose particulièrement réjouissante d'un sprinteur "figé" pour la photo), ... Toujours attendrissants, les hispanophones semblent préférer le portrait de famille multi-générationnel et n'hésitent pas à solliciter le personnel de gare pour prendre la photo, le tout sur fond sonore de "patataaaaas" (l'équivalent de "oustiti" ou "cheese" pour sourire au petit oiseau)...
Evénements pour passionnés
Peu de gens l'imaginent mais une floppée de "ferrovipathes", passionnés de trains, surveillent avec assiduité le matériel qui passe en gare et réalisent des reportages photographiques dignes des professionnels. Vous découvrez ainsi un soir une dizaine de photographes amateurs installés en début de quai et prêts à immortaliser ... quoi donc ??? Renseignements pris, il s'agit d'une des dernières circulations d'une des dernières locomotives d'un certain modèle : votre gare avait l'honneur une telle visite et vous n'en saviez rien ??? !!! Fermant les yeux sur l'usage (pourtant interdit) de pieds photos car des gens qui aiment tellement les vieux trains ne peuvent être totalement mauvais, le chef de gare repart en laissant les mordus à leurs prises de vue. Facheuse erreur : vous les retrouverez un autre jour plantés en pleine voie ou perchés sur un pylone électrique pour avoir un meilleur angle ! Prêts à tout (même à des imprudences) pour réussir le cliché de la BB xxxx, série zzz, année yyy, certains ferrovipathes font l'objet d'une attention très particulière à la Sncf, c'est d'une rare injustice par rapport aux milliers de clichés pris par d'autres particuliers chaque année mais entre contrarier un passionné et retrouver ses morceaux épars dans les emprises ferroviaires, les cheminots n'ont pas trop d'états d'âme...
Malheurs pour voyeurs
Enfin, il y a aussi - que ceux qui m'apprécient se joignent à moi pour le déplorer - un certain nombre de paparazzi du dimanche, qui dégainent leurs appareils à mauvais escient. Depuis que j'exerce mes modestes talents en gare, j'ai déjà du faire face à plusieurs début d'incendies, différentes blessures de voyageurs (chute dans les escalators, sur le quai, ...), quelques malaises cardiaques et autres aventures du même acabit et j'ai le souvenir d'avoir dû, à chaque fois !, intervenir auprès d'un amateur de clichés supposés à sensations pour qu'il remballe son matériel et "circulez y'a rien à voir" !!! On imagine que la photo d'un pauvre homme en train d'être réanimé par le Samu sur le sol d'une gare pourra animer à bon compte les soirées entre amis... On refuse de croire que certains puissent espérer que leur cliché sera acheté par un organe de presse mais là on a probablement tort... On rage, alors que l'on évacue un train pour soupçon de feu à bord, de voir des quidams traîner des pieds, appareil ou caméscope en main, pour chercher le meilleur angle de vue "au cas où"...
Pour conclure, sachez que si je n'ai rien pu faire pour cette femme qui protestait car elle avait été prise en photo par un inconnu et souhaitait faire effacer la pellicule (la carte Sd machin chose pardon) car cela relevait de la "photographie à usage privé et familial" dixit la Police, en revanche il est interdit (par la loi) de photographier sans leur autorisation expresse les agents Sncf en tenue. A bon entendeur...
PS : dans la série "ferrovipathe" je ne peux m'empécher (malgré tout) de conseiller aux amateurs la visite du blog suivant : http://fil-du-rail.blogspot.com/
PS2 : les lecteurs particulièrement vigilants auront remarquer que cette chronique "photo" tombe le jour où j'inaugure mon premier album... Je suis une photographe (et un sujet) remarquablement lamentable mais je ne désespère d'arriver à progresser !
Tous les jours j'essaye d'apporter mon aide aux voyageurs et visiteurs de ma gare avec, je le crois, une certaine conscience professionnelle. Mais toutes les formations et la meilleure volonté du monde ne sont que de peu d'aide face à certaines situations où, légèrement dépassée, je rêve d'avoir un service d'aide sociale ouvert en permanence à proximité...
La cohorte des voyageurs dévalisés
Vous qui avez l'occasion d'aller dans une gare : tenez ferme vos sacs à main, bouclez votre porte-feuille dans une poche à double-fond, ne posez rien nulle part et ne faites confiance à personne ! Je malmène l'image de marque des gares ??? Hélas, malgré les rondes permanentes des agents de sécurité, des policiers ferroviaires, des policiers nationaux et des militaires de Vigipirate, rien n'y fait : les malintentionnés sévissent toujours... Et devinez un peu où les pauvres détroussés vont aller clamer leur détresse ??? Chez le chef de gare bien entendu ! Qui les renverra vers la Police pour déclaration de vol, leur indiquera la Poste la plus proche pour se faire envoyer de l'argent et pouvoir ainsi payer leurs billets de train, leur prêtera parfois un téléphone pour prévenir leurs proches et effectuer les premières démarches, sortira si besoin ses mouchoirs en papier personnels, maudira haut et fort les pickpockets (et, in petto, les insouciants), ...
Les voyageurs assez autonomes pour se perdre...
Les enfants perdus ont déjà été évoqués ici mais que dire des majeurs qui ne sont pas totalement adultes ??? Dans les flots et flux d'une gare, on trouve logiquement le même pourcentage de « grands enfants » qu'ailleurs avec les mêmes difficultés inhérentes à leur handicap léger pour se repérer, se débrouiller et arriver à bon port. Les cheminots, parmi leurs multiples défauts, ont la fibre sociale, voire affective, et se mettent généralement en quatre pour aider les moins autonomes mais la situation nécessite parfois l'intervention du chef... comme ce couple débarquant à 23h en gare et persuadé, à tort, que sa sous-préfecture est desservie toutes les heures, nuit et jour, 7 jours sur 7. Pas de connaissances sur Paris, le stress qui monte, la parole qui s'embrouille, les larmes qui pointent... Allons, rassurer tout le monde, réserver une chambre d'hôtel, prêter un chariot à bagages et flécher le plan du quartier n'est pas exceptionnellement difficile et fait de bon coeur !
Aliénés en liberté
Le mot semble fort ??? Il est pourtant clairement inscrit sur le certificat médical de cet homme qui arrive de province en « voyage pathologique » pour se rendre à l'hôpital psychiatrique Sainte Anne. Découvert dans le train par un contrôleur compatissant qui l'accompagne jusqu'au bureau d'accueil, le voici remis aux bons soins du chef de gare sauf que... L'hôpital Sainte Anne ne peut pas venir le chercher à cette heure avancée de la nuit ; la police de la gare refuse de s'en occuper et renvoit sur le commissariat de quartier ; celui-ci n'a pas les effectifs pour le prendre en charge ; le monsieur voudrait ses médicaments mais ne les a pas sur lui ; le numéro du Samu Social (quelqu'un a une autre idée ???) est occupé ; Sainte Anne ne répond plus non plus ; le monsieur commence à s'impatienter ; les pompiers ne peuvent rien faire pour lui : help ! Il faut savoir être ferme : le chef de gare embarque le pauvre homme sur un fauteuil roulant et le confie de force au poste de police de la gare (fraiche ambiance) à charge pour eux de faire le nécessaire (ils le feront) !
Tout cela vous semble bien normal ??? Moi aussi, mais cela n'est pas dans ma fiche de poste et les heures passées à porter ainsi assistance ne le sont pas à s'occuper des trains à faire partir à l'heure (au hasard)...
Parmi les annonces de mauvais augure, celle qui vous informe que "en raison d'un accident de personne sur la ligne, les trains en provenance de... auront entre 1 et 3 heures de retard" cache trop souvent un drame humain et un triste phénomène de société. En effet, si les chutes de voyageurs ou les doigts coincés dans les portes font partie des 500 "accidents de personnes" que recense la Sncf tous les ans, plus de 80% d'entre eux sont des suicides, soit près d'un par jour...
Un peu de technique (âmes sensibles s'abstenir)
Oui bon d'accord diront certains, mais depuis que le train existe des gens se jettent dessous, alors pourquoi faut-il deux heures pour repartir ??? Pour une fois, la faute n'est pas entièrement imputable à la Sncf dont la tâche va essentiellement être d'amener un nouveau conducteur de train sur les lieux de l'accident, partant du principe qu'un homme qui vient d'en voir un autre se jeter sous ses roues ne reprend pas le volant. En revanche, l'intervention des secours et des forces de l'ordre va, elle, prendre du temps. Il va falloir accéder au site ; constater le décès de la personne ; recueillir les "débris humains" éventuellement dispersés par le choc - parfois sur des centaines de mètres ; faire les premières constatations pour l'enquête policière (jusqu'à preuve du contraire c'est la présomption du suicide qui prévaut, il faudra éliminer l'hypothèse que la personne ait été poussée sous le train) ; enlever le corps ; nettoyer sommairement le train si besoin... Pour faire tout cela, il aura fallu sur place des pompiers, un médecin légiste, un officier de police judiciaire, des policiers, les pompes funèbres... A ma connaissance, si le record de traitement d'un suicide sur les voies est de 1h30, la moyenne s'établit le plus souvent autour des deux heures : bien peu de contrôleurs ou de chefs de gare n'auront le coeur d'expliquer en détail aux voyageurs ce qui se passe pendant tout ce temps...
Un peu de compassion ?
Assez tristement quand on y pense, la personne qui a choisit de mettre fin à ses jours va être, même si elle n'est plus là pour s'en offusquer, copieusement maudite et vouée aux enfers par un nombre incalculable de ses anciens congénères... Certes la nouvelle n'est jamais bien accueillie par les cheminots qui vont devoir en gérer les conséquences mais les nombreux intervenants ci-dessus décrits et les centaines, voire milliers, de voyageurs qui vont pâtir des retards ne sont pas en reste...
Pourtant, l'annonce qu'un être humain vient de se jetter sous un train ne mériterait-t-il pas un instant de pause, une milliseconde de respect, une tentative d'imagination sur ce qui a pu le mener là, une pensée pour lui... ?
Hélas, j'ai le grand regret de constater que la compassion n'est pas la denrée la plus disponible chez mes contemporains. Sur 10 personnes rencontrées en gare et à qui je précise ce que dissimule "l'accident de personne", cinq (je dis bien cinq) en moyenne vont trouver que c'est largement exagéré de prendre autant de temps pour quelqu'un qui a fait son choix et que vraiment "vous êtes mauvais pour tout à la Sncf"... ! L'humeur acide, les agents d'accueil expliqueront que "tout de même on ne va pas non plus lui faire rouler tous les trains dessus (!)" mais l'idée ne semble pas choquante à tout le monde. On croit comprendre que "mort pour mort", on pourrait sans doute nettoyer plus tard...
Dans la même série, la première idée qui vient en général au voyageur contrarié est de s'assurer qu'il va bien être remboursé... A l'annonce qu'il n'y aura pas de dédommagement (car le retard n'est pas de la faute de la Sncf) c'est le scandale ! "Vous n'avez qu'à vous organiser pour que cela n'arrive pas : c'est donc de votre faute, non mais sans blagues" dit le client furibard ! Certes, nous pourrions envisager de grillager les 30 000 kilomètres de voies pour éviter que les gens ne s'y donnent la mort mais, sans parler du fait que cela coûterait très cher, que fait-on pour les désespérés déterminés qui viennent avec des tenailles et découpent le grillage (cas malheureusement fréquent) ???
En 2006, tous les jours quelqu'un choisit le train pour se tuer et de plus en plus souvent le Tgv pour être "sûr de ne pas se rater" : vous allez être retardés, je vais être emm... mais de grâce prenons tous une minute pour se demander si tout va bien dans notre société !
Le b-a ba du métier de chef de gare, la mission qu'il a acceptée et qui confine pour lui au Saint-Graal : faire partir les trains à l'heure ! Dans notre jargon "la ponctualité fait la régularité". Comprenez qu'un train ponctuel au départ aura plus de chances de respecter ses horaires tout au long de sa route et d'arriver à l'heure à son terminus : c'est logique, c'est carré, c'est cheminot. Cet idéal ferroviaire n'est pas une utopie ; l'immense majorité des trains part à l'heure mais la tâche est difficile et parfois bien mal récompensée...
De l'accablement du cheminot qui voit le train bloqué en gare
Différentes causes s'ingénient en effet à empêcher le départ d'un train... Alors que le plus difficile semble avoir été surmonté (les voyageurs sont à bord, le personnel nécessaire aussi, la voie est libre...), il s'avère que le célèbre coup de sifflet reste sans effet et le train à quai... Neuf fois sur dix, c'est un problème de portes : alors que le contrôleur a commandé la fermeture, l'informatique lui signale qu'une porte ne ferme pas ou mal et c'est parti... pour du retard au départ ! Le vice de la chose est qu'il n'y a aucun moyen de le savoir avant de fermer les portes, avant le dernier moment... Autre grand classique : les freins ! Des essais sont effectués sur chaque train au départ et se révèlent parfois infructueux. Le temps de recommencer la procédure entière et vlan encore un train qui ne part pas à l'heure ! A noter que, dans ces deux cas, nos voyageurs sont en général très compréhensifs et supportent assez bien le fait que l'on se refuse à envoyer 500 ou 1000 personnes à 300 km/h avec une porte ouverte ou des freins qui ne fonctionnent pas...
Plus rarement, les trains refusent de s'accoupler ! Non, non rien de sexuel là dedans puisqu'il s'agit simplement de raccorder deux rames (de Tgv par exemple) ensemble pour en faire un train plus grand, contenant plus de voyageurs. Là aussi, la technique nous trahit parfois... Dernier exemple enfin de résistance au départ : la panne informatique. Les trains sont de plus en plus truffés d'électronique et de logiciels avec, malheureusement, les "bugs" et "reset" qui caractérisent ces technologies...
Dans tous les cas, selon la gravité de l'incident et suivant le diagnostic des spécialistes du Matériel, il faudra peut être en arriver à la conclusion, fort désagréable pour le chef de gare, que le train ne pourra jamais partir. A lui les joies du transbordement - mais c'est un chapitre qui mérite une chronique à part entière (ici).
Enfin, il ne serait pas juste de passer sous silence la cause majeure des retards des trains au départ : le voyageur récalcitrant ! A savoir la personne qui, au moment du départ, bloque les portes avec ses bagages, force le passage des agents d'accueil pour monter sans billet, s'accroche à la poignée etc.. etc...
Du désespoir du voyageur qui voit son train partir sans lui
Comme un fait exprès, le chef de gare qui - heureux - voit ses trains partir à l'heure n'est pas pour autant aux bouts de ses peines car, sur le quai, il va devoir subir les foudres des voyageurs arrivés trop tard. Pour bien décortiquer le phénomène, il faut répartir les malchanceux en deux catégories.
. Le cas le plus difficile : les clients sont arrivés sur le quai alors que le train est encore là mais que ses portes sont fermées, après que le sifflet ait retenti. Inutile d'essayer d'attendrir la femme à la casquette : "les portes sont fermées, le train va partir" !!! Avec l'habitude, nous sommes bien conscients que c'est injuste, que la Sncf est en dessous de tout, que la situation est précisément exceptionnelle pour ce voyageur, que nous pourrions faire un geste et que nous n'avons vraiment pas de coeur... Cela dit, soyons clairs : les centaines de personnes qui pourraient elles-aussi nous supplier un jour de rouvrir les portes n'ont pas du tout le même avis une fois installées dans le train ! Et soyons pédagogiques : un train qui ne part pas à l'heure risque fort de ne plus trouver son créneau horaire sur les voies, on le fera patienter le temps de pouvoir le glisser entre deux, et les malheureuses 3 minutes en moyenne qu'aurait coûté notre bon geste se transformeraient inéluctablement en quart d'heure à l'arrivée... Désolée, c'est trop tard, les portes sont fermées !
. La routine : les voyageurs arrivent essouflés et voient disparaître à l'horizon les deux feux rouges à l'arrière du train. Les agents Sncf encore présents sur le quai ont pour mission (si, si !) d'orienter les clients pour la suite - enfin la reprise - de leur voyage. Mais encore faut-il pouvoir approcher : si l'on voit souvent les dames fondre en larmes, il en est aussi, des deux sexes, qui se mettent à hurler, jettent leurs affaires par terre, se jettent eux-même par terre... Courageux mais pas téméraire, le cheminot laisse alors son voyageur à son désespoir, un peu gêné, un peu honteux d'avoir fait son boulot...
A savoir : depuis quelque temps déjà il est imprimé au dos des pochettes à billets que les voyageurs sont priés de se présenter pour le Tgv "deux minutes minimum avant l'heure de départ"... Quand on pense aux délais de présentation dans un aéroport... (je sais je suis partiale, mais ça va mieux en le disant !).
Prenez une grande gare parisienne, mélangez les trafics de voyageurs (grandes lignes, transport régional, île-de-france), ajoutez les accompagnateurs mais aussi les habitants du quartier qui passent profiter des commerces, saupoudrez le tout des innombrables personnels qui doivent faire tourner la machine et vous obtenez un site exceptionnel d'observation de nos contemporains et de notre société. Cet espace public ouvert 7 jours sur 7, à peine fermé 3 heures la nuit, est aussi le refuge ou l'aire de jeu d'une faune plus ou moins suprenante qui pose plus ou moins de problèmes...
SDF ou clochards ?
La différence peut paraître minime au passant mais la différence est de taille. Entre les "accidentés de la vie" qui échouent dans une gare pour y trouver un peu de chaleur ainsi que quelques piéces de monnaie et les habitants permanents du lieu, on ne joue pas dans la même cour (de gare - hum). On en vient à se dire qu'il y a un tacite "guide des bonnes manières en gare", avec des règles et des devoirs, et la responsable que je suis se voit bizarrement établir des différences de traitement assez injustifiables entre les uns et les autres. Pourquoi expulser systématiquement ceux qui vont dormir dans la salle d'attente mais fermer les yeux sur celle qui s'est instaurée la guide incontournable du parking ? Certes, la salle d'attente est réservée aux voyageurs munis de billets et la présence de personnes dormant par terre n'est pas acceptable dans le service que nous leur offrons mais suis-je bien sûre que ma clocharde préférée, si elle rend incontestablement service en signalant l'existence de la caisse automatique du parking, n'incommode pas malgré tout la clientèle ??? Délicat exercice de morale...
Pickpockets, caddies-men, visiteurs de train et autres sollicitateurs
Si la foule présente en gare attire, comme ailleurs, les pickpockets il est des spécialisations ferroviaires de la petite délinquance. Les caddies-men s'octroient ainsi l'exclusivité d'un chariot à bagages et proposent aux voyageurs de transporter leurs valises et autres sacs jusqu'à la porte du train contre gratification bien évidemment. Pas grand mal ? Non, mais ces prestations sont proposées par des services compétents et ces transactions officieuses tournent souvent mal au moment du départ du train : interdit !!! Les "visiteurs de train" prennent, pour leur part, les trains d'assaut à l'arrivée et ramassent tous les objets oubliés avant le passage du nettoyage. Inutile de chercher, c'est du vol : interdit !!! Quand à la mendicité en gare, qu'elle soit ostensible (chapitre précédent) ou prétendument officialisée (pseudos collectes pour de grandes causes humanitaires, vraies-fausses associations, avec ou sans remise de reçus sans valeur légale) : interdit !!! Malheureusement, l'interdiction ne suffit pas et, entre le "turn-over" des contrevenants et les autres obligations des forces de l'ordre, seule la vigilance des agents en gare permet de limiter un peu ces pratiques qui persistent jour après jour...
Mais aussi... les "cas" !
Légèrement caché derrière un pilier, un homme "costume-cravate-grisonnant" lit le Figaro... Jusque là rien de remarquable. Sauf... les deux trous percés dans son journal qui lui permettent de surveiller la foule qui passe et plus particulièrement les voyageurs à l'arrivée ! Détective privé ? Mari trompé ? Renseignements généraux ??? Les hypothèses fusent parmi le personnel qui défile discrètement observer son manège, il finira par partir en nous laissant sur notre faim...
Sur un banc, un monsieur très "propre sur lui" avec un chariot à bagages... Toute la gare le sait, le pauvre homme se présente à l'arrivée de tous les trains en provenance de xxx pour accueillir sa femme. Le détail : cela fait deux ans que cela dure ! Et le soir, il repart après avoir rangé son chariot pour revenir fidèlement le lendemain...
Sans oublier : la chorale de militaires qui fait un "boeuf" sur le quai ; les supporters de football ou de rugby qui, vaincus ou vainqueurs, repeignent les quais de leurs vomis ; les pélerins de St Jacques de Compostelle (mendiant leur billet de train) ; les voyageurs affublés de bagages surprenants (des thons entiers, des mannequins taille réelle, des animaux empaillés, ...) ; etc.. etc...
Tout voyageur un peu assidu connait cette annonce en gare : "Mesdames, Messieurs, le train xxx est actuellement en cours de préparation. Sa voie de départ vous sera indiquée dès que possible, la Sncf vous prie d'accepter ses excuses pour ce désagrément...". Les habitués la redoutent avec raison : malgré la suavité de la voix, ce n'est pas une bonne nouvelle : il y a un os quelque part, mais lequel ??? Petit tour en coulisses :
Le train n'est pas prêt...
Dans le meilleur des mondes du service ferroviaire, un train est nettoyé avant chaque voyage, son bar - quand il en a un - est plein de victuailles, les numéros de voitures et de places sont correctement affichés, les toilettes ont fait le plein d'eau, un conducteur est prêt en cabine et des contrôleurs sont sur le quai pour accueillir les voyageurs. Dans la douloureuse vie réelle d'une gare, toutes ces conditions sont rarement réunies 20 minutes avant le départ (puisqu'il s'agit là du sacro-saint délai à partir duquel la voie de départ doit être affichée). Retards dans le chargement du bar, erreur dans l'affichage des voitures, absence d'un agent Sncf : autant de contrariétés pour le chef de gare qui doit se résoudre à déclencher l'annonce ci-dessus citée... même pour quelques minutes.
Le train n'est pas là...
Bête comme chou ! Qu'il soit retenu "au garage" ou coincé derrière un autre sur la voie, difficile d'afficher un train qui n'est pas là... Le premier cas est le plus fréquent : l'atelier du Matériel qui chouchoute le train n'a pas encore pu le faire partir (la visite technique ou le nettoyage ne sont pas terminés) et annonce une "mise à quai tardive". Bizarrement, bien que le train parte en retard de l'atelier, arrive donc en retard à la gare et que sa voie ne soit affichée que 5 ou 10 minutes seulement avant l'heure officielle de départ, le train part généralement à l'heure ou quasiment. Grâces en soient rendues à nos fidèles clients qui, après avoir guetté farouchement l'affichage, se ruent sur leur quai et dans leur train terrorisés à l'idée qu'il ne parte malgré tout à l'heure prévue (ce que nous ne ferions pas en laissant du monde sur le quai - nous avons des principes malgré tout - mais il ne faut pas trop que ça se sache).
Plus douloureux, les retards à l'arrivée qui vont, inévitablement se transformer en retards au départ ! Les voyageurs font rarement le lien mais la majorité des trains font des demi-tours : ils arrivent d'une ville, passent une ou plusieurs heures en gare (nettoyage, remplissage du bar, etc...) et repartent dans l'autre sens. Encore faut-il qu'ils arrivent... et dans les temps de préférence ! Un suicide sur la voie, une panne mécanique, des conditions météorologiques qui limitent la vitesse des trains et ce sont autant de demi-tours retardés... Le chef de gare est impuissant et regarde ses quais devenir noirs de monde entre les personnes qui attendent des voyageurs à l'arrivée et ceux qui attendent de partir. Pas grand chose à faire en effet - pour gagner un peu de temps, on baclera le nettoyage du train - sauf prendre son mal en patience le temps que les choses rentrent dans l'ordre.
Le train est cassé...
On peut avoir du mal à y croire mais à l'heure des Tgv à 300 km/h, le train relève encore et toujours de la machine mécanique avec les faiblesses que cela suppose. Les trains qui arrivent des ateliers sont, en théorie, en bon état de fonctionnement mais les fameux demi-tours (puisque vous êtes désormais initiés) sont plus fragiles et tombent malheureusement parfois en panne à l'arrivée. Dans le meilleur des cas, l'intervention sur place des agents du Matériel suffira à réparer la bête ou tout au moins à permettre qu'elle reparte. La mécanique étant ce qu'elle est, la panne peut être plus grave et il faudra remplacer le train prévu par un autre ("casser le demi-tour" pour les amateurs de jargon ferroviaire). Sachant qu'un train, et plus encore un Tgv, coûte une petite fortune, la Sncf n'a pas pléthore de trains en réserve : une panne ça va, trois pannes on n'y arrive pas ! On en sera réduit à replacer les voyageurs dans les autres trains pour la même destination mais c'est une autre histoire...
Voilà, c'était un premier opus de "décryptez sans peine les annonces Sncf"...
Qu'une grande gare, au même titre que tout lieu public, ait son lot quotidien d'enfants perdus n'a rien de surprenant. Le personnel est tout aussi habitué à repérer un petit égaré qu'à épauler les adultes éplorés et, entre annonces sonores et mails internes d'avis de recherche, les choses rentrent dans l'ordre dans la majorité des cas. Nous sommes toutefois moins bien préparés à gérer les conséquences de la capacité de certains parents à fourrer leurs enfants dans des guépiers ferroviaires... D'aucuns font preuve en ce domaine d'une créativité débridée face à laquelle il est bien difficile de garder une neutralité polie. Quelques exemples...
Les enfants sont partis dans le train, les parents restés sur le quai...
Un grand classique : il est bien rare de voir passer une semaine sans qu'un père ou une mère ne se présente, affolé(e), car ... "je suis redescendu(e) du train acheter le journal - des cigarettes, une boisson, des médicaments, ... - et quand je suis revenu sur le quai le Tgv était parti !!! Mon fils est tout seul dedans : il faut arrêter le train tout de suite !!!". Hélas, trois fois hélas, nous n'arrêterons rien du tout... mais nous allons régler ça ! Joindre le contrôleur du train pour qu'il retrouve l'enfant et le rassure, aviser la première gare d'arrêt pour qu'elle réceptionne le petit et le confie aux bons soins de la police locale*, envoyer les parents changer leur billet pour le prochain train... et dispenser une petite leçon de morale bien sentie parce que "tout de même quoi" !!!!
Les enfants sont sur le quai, les parents partis dans le train...
Unique expérience vécue à ce jour : deux jeunes adolescents, poussant-tirant un chariot à bagages surchargé, arrivent au bureau d'accueil légèrement désemparés : leurs parents sont partis et eux ne savent pas trop bien quoi faire... Renseignements pris, les grandes personnes - en possession des billets - étaient parties devant en leur donnant rendez-vous sur le quai, une fois sur place les garçons ne sachant pas dans quelle voiture monter ont vu le train partir sous leur nez... Les parents tombent des nues quand on arrive à les joindre, car persuadés que leur progéniture était dans le train et sont très contrariés d'apprendre qu'ils vont devoir revenir à Paris chercher la dite progéniture au poste de Police de la gare...
L'enfant est seul à bord d'un train qui n'est pas le bon...
Tristement mémorable... "Ma fille devait partir en colo, on est arrivés un peu tard, j'ai cru que le train était voie A et je l'ai mise dedans au moment où les portes se fermaient mais ... ce n'est pas le bon train". Jetons un voile pudique sur le fait que toutes les colonies de vacances, sans exception, donnent un point de rendez-vous en gare aux parents ; que la remise de l'enfant à l'organisme se fait contre quelques paperasseries et que les animateurs du séjour étaient toujours en gare puisque le départ était prévu une heure plus tard... Le résultat est le même : nous voici (encore ?) avec un enfant seul à bord d'un train. Dans un premier temps, le contrôleur nous informe avoir retrouvé la fillette et nous pouvons donc rassurer les parents. Dans un deuxième temps, nous revenons de nouveau vers eux pour les envoyer chercher leur fille à la première gare d'arrêt du fameux train mais là surprise : les parents sont repartis, confiant la suite des aventures aux organisateurs de la colonie ! Lesquels, très professionnels, enverront un animateur retrouver la petite voyageuse et l'accompagner jusqu'à son centre de vacances et n'oublieront pas, après le séjour, de signaler dûment la chose aux services sociaux...
Mais aussi...
Passer, à 12 ans, trois heures sur un quai à attendre que la personne qui devait venir vous chercher arrive à s'extraire des embouteillages parisiens ; faire un trajet en "Jeune Voyageur Seul", voir vos parents venir vous chercher sans la moindre pièce d'identité (ils sont venus en voiture mais n'ont pas leur permis sur eux...) et ne pas comprendre pourquoi le méchant chef de gare vous emmène tous chez les policiers ; devoir se présenter pour mendier un billet de retour parce que "pour un enfant ils feront un effort et ne te feront pas payer"... il vaut mieux ne pas trop parler de "l'inconséquence de la jeunesse" aux agents des gares...
Pour conclure...
Le fait de doter les enfants de tous âges de téléphones portables n'était pas de mon goût, force est de constater que cela me simplifie souvent la vie...
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*La règle est incontournable pour tous les mineurs : la Sncf doit les confier à la Police, charge à elle de vérifier les identités et droits des adultes qui viendront les "libérer".