Nul n'est supposé l'ignorer, la France est au niveau rouge du plan Vigipirate destiné à protéger ses intérêts face au terrorisme international. Une fois cette platitude exprimée, il s'avère que la chose a des conséquences quotidiennes et parfois importantes pour le chef de gare. Entre la prévention, la suspicion et la levée de doute au moindre risque, les trains à l'heure sont un impératif bien discutable...
Des voyageurs informés
Les attentats à New York en 2001 mais surtout le 11 mars 2004 en gare d'Atocha à Madrid sont passés par là : la protection de tous s'appuie sur la vigilance de chacun. Difficile de passer dans une grande gare sans entendre une annonce pour rappeler que "merci de signaler tout colis ou bagage abandonné aux agents Sncf". Une fois à bord du train, les contrôleurs rappellent eux-aussi ce nouveau dogme ; ces mêmes annonces sont systématiquement complétées par la précision que "l'étiquetage des bagages est obligatoire" (les dites étiquettes étant disponibles gratuitement). Des affiches "attentifs ensemble" sont parsemées de-ci de-là sur le chemin des plus grandes transhumances : il y a bel et bien une "légère" pression sécuritaire en gare !
Des forces de l'ordre sur les dents
Militaires en treillis camouflage et fusil mitrailleur au poing, brigades de la police des transports urbains, gardiens de la paix du commissariat d'arrondissement, équipes de la gendarmerie nationale, douanes, surveillance générale (police ferroviaire) : ce n'est plus une gare, c'est une caserne ! Ces différents représentants des forces de l'ordre circulent, surveillent, vigilent à longueur d'année nos couloirs, salles des pas perdus et d'attente, plate-formes et quais : on se salue poliment entre porteurs de casquettes mais les préoccupations des uns et des autres sont aux antipodes car...
Des périmètres de sécurité en voici en voila
Entre les voyageurs, bien informés donc, qui s'en vont signaler la moindre valise égarée et les forces de l'ordre toutes à leur vigilance (et à une certaine routine ennuyeuse), les alertes vont aller croissant et multipliant ! C'est ainsi que le chef de gare vaquant paisiblement apprend qu'un périmètre de sécurité est en train de s'instaurer dans un coin ou un autre de son territoire. A vous les joies de saisir vos rouleaux de rubalise (les rubans rouge et blanc destinés à délimiter une zone) et de courir vers les lieux du crime potentiel pour essayer 1/ d'estimer et 2/ de limiter les dégats ! L'objet du délit se répartit en deux catégories : le colis suspect et le bagage abandonné. La subtile distinction tient tout simplement à la présence (ou pas) d'une étiquette sur la chose (ce qui explique par ailleurs notre acharnement à pousser les voyageurs à identifier leurs affaires). Quand étiquette il y a, n'écoutant que votre courage, vous vous approcherez de la valise ou du sac, releverez le nom du maudit propriétaire et ferez passer d'urgence des annonces en gare enjoignant "Monsieur ou Madame Xyz à venir chercher son bagage au guichet 53". Dans le meilleur des cas, l'oublieux client se présente, se fait vertement semoncé voire verbalisé par les forces de l'ordre et fin de l'histoire. Si pas d'étiquette ou pas de personne se présentant pour récupérer l'objet étiqueté, c'est parti pour le grand jeu : périmètre de sécurité élargi encore et toujours plus, appel des services de déminage, explosion... Comme chef de gare vous aurez alors commencé d'éminentes transactions diplomatiques car le risque majeur à vos yeux est le blocage complet ou une mauvaise organisation de l'évacuation de votre gare...
Négociations acharnées
Première urgence, tenter d'identifier celui des forces de l'ordre qui mène le bal. Vu le nombre d'entités sur place, vous n'êtes pas sortie de l'auberge : est-ce celui à la radio ? celui au portable ? celui au plus grand nombre de barrettes sur l'épaule ??? En général, ils sont finalement plusieurs, coopérant tant bien que mal avec leurs différents postes de commandement respectifs et ne faisant rien pour être reconnaissables... C'est bien dommage car votre souci, à vous, est d'arriver à ce que l'incontournable périmètre de sécurité ait le moins de conséquences possibles sur le bon fonctionnement de votre gare ! Fermer les deux accès principaux vers l'extérieur : noooooon !!! Boucler l'accès des quais : pas çaaaaa !!! Refouler tous les voyageurs en provenance des lignes Rer : pitiéééééé !!! Attention, il ne s'agit pas d'une imbécile obsession à faire tourner la boutique (et faire partir les trains à l'heure) mais bien de l'angoisse d'éviter les mouvements de foule, descentes sur les voies, embouteillages dans les souterrains etc... inquiétude que les forces de l'ordre estiment, de leur côté, plutôt futile comparée à un danger d'explosion de colis piégé. A chacun ses priorités mais comme, au fil des mois, vous voyez se succéder les périmètres de sécurité pour sacs de livres, de victuailles, de vêtements et autres valises inoffensives, votre sens du risque s'émousse ! Lorsque vous jouez vraiment de malchance, les militaires et consorts exigent l'arrêt des circulations : à vous d'essayer de les convaincre que la sécurité vous semblerait plutôt d'expédier vite fait les trains prêts au départ pour mettre autant de personnes à l'abri ; le plus vite possible, le plus loin possible de la gare... Hélas... Vous devrez souvent attendre l'intervention de votre supérieur, en liaison téléphonique directe avec le ministère de l'Intérieur ou des Transports, pour arriver à faire entendre votre point de vue...
Loin de moi l'idée de remettre en cause l'importance de la vigilance dans les lieux publics, plutôt le souhait que les conséquences d'un périmètre de sécurité dans un endroit où circulent plusieurs milliers de personnes soient mieux estimées, ainsi peut-être - j'abuse un peu - qu'une meilleure estimation des risques liés aux objets abandonnés (un sac transparent laissant clairement apparaitre des journaux mérite-t-il vraiment de bloquer un quai et de voir les clients descendre sur les rails ???). Il ne serait probablement pas correct de rêver d'être prévenue lors de la découverte d'un colis suspect ? Il doit être tout à fait déraisonnable d'imaginer que, jamais au grand jamais, les services de déminages ne puissent intervenir sans que les responsables de la gare n'aient eu le temps de faire passer des annonces pour prévenir le public et les agents de l'imminence d'une explosion ??? L'humeur est un tantinet aigre, désolée...
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Pictogramme www.lalogotheque.com
bah alors, c'est ta phlebite qui te rend si raleuse? Bon courage et reviens nous vite.
Rédigé par : ta collègue chef de gare | 26 avril 2007 à 18:16
En tout cas, même inoffensifs, les colis abandonnés me semblent avoir l'air de te faire exploser, hein ! :~)
Rédigé par : Tant-Bourrin | 26 avril 2007 à 20:56
@ ma collègue : oh !!! ose dire que ca ne t'énerve pas toi les périmètres de sécurité !!! hmmm ??? les yeux dans les yeux ??? (merci ma jolie grosse)
@ TB : mince ça se sent vraiment que c'est un sujet qui m'énerve... tss tss moi qui croyais avoir fait preuve de recul...
Rédigé par : ophise | 26 avril 2007 à 22:46
Non j'avoue, j'aurai surement été encore plus durs dans mes propos...
Rédigé par : ta collègue chef de gare | 27 avril 2007 à 08:25
Je pense que ça se comprends, un peu d'aigreur quand on est confrontée à ça au quotidien.
Et parti comme c'est, vigiproutprout on n'en sortira jamais, alors ... courage!
Rédigé par : Madame Patate | 28 avril 2007 à 19:22
(ça se comprend, sans S, évidemment)
(Zut, je vais me refaire le filtre anti-spam juste pour laver mon honneur, grrrr)
Rédigé par : Madame Patate | 28 avril 2007 à 19:24
@ Patate : ton honneur est sauf !!! ;)
Rédigé par : ophise | 29 avril 2007 à 10:57
han
mais alors tu n'arrives pas à savoir lequel de la flicaille est responsable de l'explosion de mon sandouich au thon et de mon Biba?
non mais vraiment
faut avoir les nerfs accrochés pour faire ton job ^^'
Rédigé par : a n g e l | 29 avril 2007 à 12:51
ça doit être terrifiant le moment où tu vas vérifier l'étiquette. Moi je dis qu'une telle prise de risque, avec les effets caridio-vasculaire induits, ça mériterait un régime spécial de retraite.
Rédigé par : Jura(sic) | 29 avril 2007 à 14:51
Tant qu'on n'a pas de périmètre de sécurité autour de notre centrale... ah ben si, je suis bête, y'en a un ! (avec l'intrusion de Greenpeace j'avais oublié)
Rédigé par : Gwen | 29 avril 2007 à 15:43
Entièrement d'accord, la communication des militaires dans ce genre de cas est... réduite à néant. Ils ont même fait exploser un "colis abandonné" alors que des enfants étaient aux premières loges. Traumatisés, les gamins, ils en ont pleuré pendant tout le voyage à cause de la force de l'explosion, dont ils n'avaient pas été prévenus...
Ceci étant dit, si je voulais "terroriser", comme dirait Gad El Maleh, connaissant les rêgles actuelles, je mettrais une étiquette sur mon petit colis... De même, un kamikaze se fait exploser (comme à Madrid si mes souvenirs sont bons), et donc par définition ne dépose pas un bagage pour se tirer ensuite.
Du coup, en tant que "grande voyageuse" je trouve l'histoire de la petite étiquette un peu surfaite...
Rédigé par : CriCri | 29 avril 2007 à 21:32
@ angel : c'était toi le sandwich au thon ??? Toute la gare s'en rappelle encore ; bonjour la dispersion d'odeur ;)
@ jurassic : un régime spécial de retraite c'est une bonne idée ça !!! C'est peut être meme dans les projets de nos candidats au poste supreme, va savoir !!!
@ gwen : on se dit toujours qu'on doit être fichés quelque part à Belleville avec notre manie de photographier la centrale en passant en voiture (doit être interdit ça ...)
@ cricri : on est d'accord ! Celui qui voudra faire "boum" ce ne sont pas les étiquettes qui vont l'arrêter, mais pour nous (en gare et dans les trains) c'est quand meme super pratique de pouvoir faire appeler le propriétaire sans faire tout sauter...
Rédigé par : ophise | 30 avril 2007 à 12:27
Je vois que le vigipirate "rouge" pose des problèmes partout ... Chapeau à ceux qui font un job comme le tien ; )
Rédigé par : manou | 30 avril 2007 à 15:14
Sur le côté pratique, d'accord... Sauf qu'en 10 ans de vigipirate (suis-je en dessous de la vérité?) je n'ai entendu cette annonce qu'une fois, c'était gare montparnasse, il y a 1 mois, l'annonce était peu aimable et peu audible, et n'a été répétée que 2 fois... Connaissant l'immensité de la gare montparnasse, je vois très mal comment ce monsieur aurait pu retrouver le bon guichet en moins de 5 minutes, surtout s'il ne prend le train qu'occasionellement...
Mais vu de cet angle et sur le principe, pouvoir appeller la personne par son nom lors d'une annonce est une idée plutôt bonne.
Rédigé par : CriCri | 02 mai 2007 à 20:13
Problème épineux. A Saint Michel en 1995, c'était juste un sac oublié et puis boum. Avec ou sans étiquette? Et puis il ne faut pas oublier non plus qu'il n'y a pas que les bombes qui peuvent créer du dégât (surtout que maintenant, elles ne font que quelques grammes), il y a aussi les produits bactériologiques, comme au Japon. C'est vrai que c'est chiant, ces périmètres de sécurité, mais comment faire autrement? Organisé ou non, ce sera toujours un retard de train et des voyageurs grognons. Jusqu'au jour où... ou jamais. Va savoir.
Rédigé par : pousse manette | 09 mai 2007 à 16:21
@ pousse manette (j'adore le pseudo !!!) : oui c'est une vraie ambiguité... A St Michel si je me souviens bien c'était un sac dans un train, cela mériterait une chronique à elle toute seule hélas...
Rédigé par : ophise | 09 mai 2007 à 22:51
Bonjour à tous! Je cherchais "rubalise" sur gougoule et me voilà ici!
Super! On parle de moi! hihihi
A savoir que je suis un des maillons de la chaîne vigipirate à Montpar! Donc en tant que déclencheur intempestif de déminages, je tiens à signaler que:
-d'une: c'est moi qui fait (tant bien que mal - manque de formation) la liaison entre les forces de l'ordre et la SNCF sur le terrain (je suis cheminot).
- de deux: de mon côté, et avec les priorités qui incombent à ma fonction, je suis moi aussi aigri de la réaction du "chef de gare" (en l'occurence le CCV à PMP) quand je lui annonce la paralysation partielle de sa garounette chérie...
- de trois: je suis par contre plus que ravi de l'implication de mes collègues cheminots-z-et-cheminotes dans ce genre de situations (même en civil, ca ressort le badge pour filer un coup de main). Collègues, je vous aime!
- et de quatre: ca ne se passe finalement pas si mal à Paris, la routine on la connait, certes... mais gendarmes, gardiens ou militaires sont toujours assez sympas avec nous autres cheminots (Suge ou pas)! La peur que ça pète?
@+
P.S: Le premier maillon de la chaîne reste les femmes et hommes du nettoyage et de la sécurité... (et pas de régime spécial pour eux... est-ce normal?)
Rédigé par : Skip | 11 mai 2007 à 23:13