On récapitule. Vous êtes chef de gare. Vous prenez tous les jours avant de partir au travail le soin de vérifier sur Infolignes ce qui vous attend. Vous savez donc à quelle sauce vous allez être mangée. Cela valait jusqu'au jour où la machine s'est emballée...
J1 : rien sur Infolignes mais vous savez quand même que vous allez en baver : un préavis de grève régionale s'annonce très suivi. Vous n'êtes pas gréviste pour des raisons diverses et devant faire l'objet un jour d'une chronique, vous allez donc au travail et dégustez mais votre éthique personnelle vous interdit formellement de vous plaindre alors que des collègues ont choisi de perdre une journée de paye. Fermez le ban.
J + 4 : toujours rien sur Infolignes et pour cause puisque c'est vers la fin de votre service que vous êtes appelée pour une sévère agression physique sur un de vos collègues agent d'accueil que vous retrouvez en sang sur un quai.
J + 5 : quelques difficultés d'endormissement liées aux images et souvenirs de l'agression du collègue.
J + 6 à J + 13 : succession normale de jours en gare avec leurs difficultés ordinaires et de repos plutôt agréables.
J + 15 : la vision d'Infolignes a légèrement calmé vos ardeurs avant de quitter votre foyer. Gros incident hier sur votre gare, des installations techniques très abimées, les circulations qui ne reprennent pas facilement, salle de crise ouverte, astreintes sur le pont, patrons à gogo... Vous passez vos 8 heures et un peu plus de service soudée à votre bureau à essayer d'aider à gérer le désordre. Un pipi et 3 cigarettes en tout : mauvais indicateurs de la situation qui ne vous a véritablement pas permis de lever le pied mais c'est bon, les choses rentrent tranquillement dans l'ordre, vous n'avez pas trop de scrupules à laisser votre collègue de soirée affronter la suite des évènements (celui de la veille y avait passé la nuit...).
J + 16 : rien à signaler sur Infolignes, vous voici partie encore fatiguée mais sereine pour votre gare. Vous avez à peine pris un petit quart d'heure pour évoquer avec les participants du jour précédant la galère que cela fut quand.. Gros gros pépin à l'autre bout de la ligne ! Perturbations garanties pour les 12 heures à venir. Vous accusez le coup. Vous vous cachez dix minutes le temps d'assimiler et surtout accepter la mauvaise nouvelle. Passez une première heure un peu difficile car l'humeur est franchement maussade (c'est trop injuste !!!) puis vous y collez. Il valait mieux se faire à l'idée en effet car la situation va aller en se dégradant au fil de la journée : autres incidents ailleurs sur les lignes qui mènent à votre gare ; actes de malveillance qui compliquent la situation ; trains qui n'arrivent pas et qui ne peuvent pas donc repartir... Salle de crise, astreintes, patrons, 16 heures de rang accrochée à votre bureau (cette fois, vous savez que vous en avez pour longtemps, vous extorquez de gré ou de force le temps de faire pipi et de fumer plus souvent !).
Deux jours de repos bienvenu '(quelques difficultés d'endormissement les deux premières nuits ?).
J + 19 : rien à signaler ni sur Infolignes ni dans la vraie vie !
J + 20 : annoncée partout, dont sur Infolignes, grève nationale. Dont vous n'êtes toujours pas. Et donc dont vous ne vous plaindrez pas.
J + 23 : Infolignes est votre ami : tout va bien dans votre zone. Et pourtant, une semaine après la dernière très grosse situation perturbée dans votre gare (vous y avez pensé mais refusé de vous y apesantir !) ; alors que nous sommes un vendredi de grands départs (début de week-end + début de vacances scolaires) cela ne loupe pas... Grosse frayeur ! Le temps de se mettre en place (salle de crise, patrons, ...) le soufflé retombe et il n'y a plus que l'ordinaire à gérer, avec ses habituels aléas. Jettons un voile pudique sur les aléas.
Je pars fourbue, vidée, rincée, pour une semaine loin de la gare. Huit jours d'éloignement très attendus.
Au bout de trois ans, j'ai la chance d'être toujours aussi enthousiaste sur le métier - exceptionnel ? - que j'ai la chance d'exercer. Je pars neuf fois sur dix travailler le sourire aux lèvres, encore émerveillée de la chance que j'ai de pouvoir - et savoir aujourd'hui - faire tout cela. Mais si l'adrénaline est un puissant excitant, elle peut ausi épuiser lorsque consommée à hautes doses...
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AH ! Mais dis-voir c'est de tout repos )))
Bonnes vacances, et récupère vite.
Rédigé par : Andiamo | 24 octobre 2009 à 10:21
Malgré le ton allusif, je pense maintenant que je sais exactement à quelles lignes vous êtes confrontée... car j'ai eu droit, mais en tant que voyageur, aux incidents de J14 à J16, si ce sont ceux auxquels je pense, en particulier pour la voiture de J16.
J'ai pensé à vous en allant chercher une enveloppe retard à Montpellier (selon le contrôleur: retard à cause d'un incendie dans un système de signalisation à Paris) à l'aller le jeudi, plus une autre le lendemain en allant chercher ma copine (malveillance sur marseille je crois) et une dernière le dimanche soir pour l'accident du PN.
J'ai réfléchi à une chose: outre le fait que les accidents type PN disparaitraient si les annonces de la direction de la SNCF (et des politiques) sur la suppression des passages à niveau se concrétisaient vraiment (à chaque fois, on dit qu'on va supprimer les PN, à chaque fois il en reste, et de plus en plus de conducteurs se sentent autorisés à jouer avec le feu ou à les forcer), je pense que les perturbations graves seraient fortement limitées si la SNCF avait plus de trains de réserve disponible en milieu de ligne avec leurs chauffeurs. En milieu de ligne car ça permet de les envoyer du coté où ça bloque, en cas de gros bazar comme le WE dernier. Évidemment, ça a un coût, il faut donc déterminer si c'est rentable. Pour cela, il existe des méthodes de simulation bien connues qui calculent des arbres de conséquences de panne. Je connais assez bien car je travaille dans une entreprise qui fait ça justement, mais pas dans les transports. Il y aurait à mon avis possibilité de creuser dans cette direction, d'autant que le coût d'un WE comme le dernier, en terme financier et d'image, doit être énorme (là c'est vous l'expert).
Un regret malgré tout: le chef de gare de Montpellier m'assure que le contrôleur à bord n'a pas le temps matériel d'annoncer l'évolution du retard entre le départ et l'arrivée 4h plus tard. Il parait que la sécurité l'occupe totalement. Mais dans ce cas, pourquoi contrôler les billets? ça prend du temps, et en cas de retard important, ça devient inutile (les gens se feront rembourser). De plus, s'il est véritablement en surcharge, ça veut dire que l'équipe bord est mal dimensionnée. Là encore, c'est un problème de gestion dans l'entreprise, qui revient à dire que les équipes sont trop petites pour assurer à la fois leurs missions de sécurité et d'accompagnement voyageur en cas d'incident. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne démarche commerciale à terme.
Sur ce, bonnes vacances!
Rédigé par : javi | 25 octobre 2009 à 07:46
Bon retour en pleine forme !
Rédigé par : Cristophe | 06 novembre 2009 à 08:43
Bonsoir.
Il s'en passe des choses (...) ! Bon courage à toi madame la chef d'escale.
Un chef d'escale...
(Note de l'auteur : Romain je me suis permis de modifier ton commentaire, histoire de garder un peu de mystère :D) Bon courage à toi aussi !
Rédigé par : romain escale | 16 novembre 2009 à 20:42
Mieux vaut prendre le petit-déjeuner avant de consulter Infolignes, en effet... Au moins, il ne te poursuit pas jusqu'en Berry, enfin, j'espère...
Rédigé par : Gwen | 18 novembre 2009 à 22:01