Là où, à titre personnel, porter plainte reste une démarche assez rare, exercer le délicieux métier de chef de gare vous amène à en faire une pratique régulière ! Aux forces de police de défendre la veuve et l'orphelin, à vous de faire respecter les personnels, intérêts et biens matériels de la Sncf. Avoir du galon a ses contraintes, en l'occurence vous êtes de corvée pour représenter votre entreprise et aller déposer plainte en son nom chaque fois que nécessaire et, hélas, souvent car...
Non, on ne tape pas et on n'insulte pas les agents Sncf
La priorité des priorités ! Votre premier devoir avant les trains à l'heure (c'est dire) : assister vos agents agressés... Personne ne vient travailler pour recevoir une gifle ou un poing dans la figure, prendre un coup de parapluie ou de béquille, se faire pousser sur les voies, ni même se faire traiter de noms d'oiseaux ! (Sur ce dernier point, l'insulte étant quotidienne il faudra que la coupe soit bien pleine pour qu'un agent en vienne à appeler à l'aide...). En cas de pépin, grâce aux radios de gare, les cheminots du secteur laisseront tomber ce qu'ils faisaient pour se précipiter à la rescousse de leur collègue et il est bien rare que l'agresseur arrive à prendre la poudre d'escampette. En route pour le poste de Police... Juridiquement, c'est à l'agent de porter plainte nominativement mais le chef de gare va l'accompagner, l'encourager à aller faire une expertise médicale aux Urgences médico-judiciaires, prévenir son chef d'équipe pour prendre la relève, faire ouvrir le dossier d'accident du travail. Vous offrirez surtout votre soutien moral, assurerez que la Sncf est totalement solidaire et insisterez lourdement pour une consultation avec les psychologues spécialisés de l'entreprise... (oui, le nombre de situations douloureuses - violences physiques ou verbales, accidents de personnes - vécues par les cheminots est tel qu'une cellule psychologique est disponible 24h/24, 7 jours/7).
Non, on ne prend pas l'habitude de frauder
D'une banalité à pleurer, le "délit de fraude d'habitude" vous entraîne presque toutes les semaines pour une paire d'heures dans les joyeux locaux de la Police nationale. Pendant que vous vaquiez sereinement sur vos quais, un contrôleur verbalisait un voyageur sans billet quelque part en ligne et vérifiait que c'était un cas exceptionnel. Las ! Si la personne a totalisé au moins 10 contraventions impayées pour la même raison dans l'année passée, elle est passible du dit délit et vous voici partis pour la paperasse. Réception en gare par la Police ferroviaire et votre servante, escorte jusqu'au poste, dépôt de plainte... Triste émulation dans cette procédure bien réglée : le nombre de PV du "contrevenant" qui peut atteindre des records (non, je n'entrerai pas ici dans le débat de l'accès au train pour les personnes en difficultés financières).
Non, on ne casse pas le matériel
Lacérer des sièges de train, défoncer des composteurs à coups de pied, démantibuler des poubelles, briser des bancs, exploser les miroirs dans les toilettes sans craindre sept ans de malheur, mettre le feu dans trois voitures de la même rame : que du vécu ! Il va de soi que si nous découvrons les choses après coup, difficile de donner suite. En revanche, un certain nombre de ces dégradations sont constatées en direct et, là encore, vont donner lieu à intervention de la Police, cortège jusqu'au poste, confrontation, plainte et toujours deux bonnes heures d'occupées dans la vie du chef de gare. Le petit détail mesquin dans ce cas de figure est qu'il est fortement recommandé de fournir une estimation financière du préjudice. Allez donc trouver le prix d'une tablette de Tgv sur le coup des deux heures du matin... (oui, ce serait une bonne idée d'avoir une liste de tarifs des objets les plus souvent abimés).
En choisissant ce métier, vous n'aviez pas réalisé qu'il vous faudrait coiffer aussi une casquette de "mère la rigueur"...
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PS : en cas de situations perturbées ou d'indisponibilité, le chef de gare a la possibilité d'appeler son astreinte au secours pour remplir les formalités ci-dessus... ouuuf !
Haaaa, franchement, fait du bien de voir l'autre c^oté des choses...
Je ne soupconnais pas que les usagers puissent ^etre aussi violents...
Je ne l'ai m^eme pas étée quand pour un trajet de 10 min j'ai mis 2h (si si); que c'était meme pas indiqué sur le tableau des arrivée (ca devait faire mauvais genre); que j'ai loupé toutes mes correspondances, que mes amis ont du venir me chercher et me ramener chez eux, que je n'ai pu faute des correspondance rentrer chez moi pour mon rendez- vous APEC... j'ai rien dit quand la chef de gare m'a demandé ce qui s'était passé (je venais de l'informer que le train avait 2h de retard; ha si, je lui ai dit que c'était à elle d'^etre au courant). rien dit non plus quand pas de dédomagement pour le retard...
TOUJOURS rien dit quand le lendemain, j'ai repris le train et que je suis arrivée près de 20 min en retard, toujours sans dédomagement.
A nous de vous faire préférer le train qu'ils disaient!! ;-)
Tout ça pour dire, que OUI la SNCF exagère franchement parfois. Et que NON c'est pas une raison pour crier taper détruire. Ca ne change rien. Et en plus on teste sa capacité à la zenitude la plus totale ;-)
Rédigé par : léa | 18 juin 2007 à 12:55
il y a un intéressant billet sur les retards... je recommande.
http://ophise.typepad.fr/trains_et_pissenlits/2007/05/informer_sur_le.html
Sinon, je crains fort que l'appartenance à un service public ne devienne parfois un argument pour justifier un "droit" à la fraude, à la casse et à l'insulte... C'est regrettable, et ne plaide pas pour le service à la française.
Rédigé par : javi | 18 juin 2007 à 18:40
Edifiant, hélas... C'est vraiment la vie duraille ! :~(
Rédigé par : Tant-Bourrin | 18 juin 2007 à 20:34
J'en reste complètement bouche-bée.
Quand je te lis je comprends mieux pourquoi, p.ex., la dernière fois que mon train est arrivé avec un léger retard et que j'ai demandé au contrôleur si du coup il allait partir en retard, il a été directement sur la défensive. Alors je lui ai fait un grand sourire et lui ai expliqué que c'était juste pour savoir si j'avais le temps de fumer une cigarette avant de monter, que c'était pas grave du tout. Rassuré, le gars.
J'essaie toujours d'être cordiale avec les employés de la SNCF, moi. Ne serait-ce que parce qu'on a tout à y gagner. Je trouvais déjà, rien qu'à pratiquer le train de manière régulière, que les passagers avaient tendance à se passer les nerfs sur eux pour un oui ou pour un non. Mais quand je lis ici toutes ces choses que je n'ai jamais vues, et même jamais imaginées... je n'en reviens pas.
Rédigé par : mirza | 19 juin 2007 à 11:24
Le "délit de fraude d'habitude", quelle expression ! Comme quoi le train-train quotidien ne supporte pas toujours l'habitude...
Rédigé par : Gwen | 19 juin 2007 à 19:40
@ Léa : merci !!! oui nous pouvons être mauvais mais est-ce que cela mérite, en effet, tant de haine ??? Merci encore !
@ Javi : mais c'est merveilleux, si on en est à faire la pub de mes chroniques dans mes coms hihi !!!
@ TB : trop tard ton jeu de mots a déjà été déposé par Jura(sic) :!
@ Mirza : c'est l'ambiguité du truc ; tous les "méchants" rêvent de la privatisation mais je me demande s'ils traiteraient des employés du privé comme cela (ne me dites pas que oui ça va me déprimer !)
@ Gwen : c'est beau hmmm ??? Comme quoi les "technos" sont capables aussi d'expressions parlantes ;)
Rédigé par : ophise | 19 juin 2007 à 22:49
Ce que je n'arrive pas à comprendre c'est pourquoi le train génère autant de stress et donc une certaine violence de la part des voyageurs, alors que c'est le moyen de transport le plus sûr. Moi, les contrôleurs, ça m'impressionne toujours un peu . Plus jeune, j'avais toujours peur de ne pas être en règle (sauf à être en compagnie de potes, où dans ce cas, la resquille donne un genre)
Rédigé par : Jura(Sic) | 19 juin 2007 à 22:52
Depuis qu'on nous fait croire que le voyageur est devenu client, les petites incivilités vont croissant. Il doit exister une raison à ça, mais laquelle?
Rédigé par : pousse manette | 20 juin 2007 à 13:27
Génial et merci encore.
Rédigé par : ubique | 21 juin 2007 à 21:28
Tu connais le VIF ? ( vehicule d'interception ferroviaire, avec giros et moults sirénes hurlantes )
Quand tu le verras debouler dans ta gare, attention....
parait que sur ICS, y'a pas mieux qu'eux, et les carrés, c'est comme nous, connais pas......
s'il nous reste au moins la force du délire..bon courage
Fabrice
Rédigé par : Fabr | 22 juin 2007 à 14:37
bah moi c'est l'avion que je prends maintenant! Vous n'avez rien a dire sur les "voleurs"?... surs?...:-)
Rédigé par : cora | 23 juin 2007 à 02:51
J'ai pris le train tous les jours pour aller bosser pendant 4 ans. Et j'avoue que j'ai plus d'une fois pesté contre la sncf, voire contre ses agents.
Mais comme le dit Léa, rien ne sert d'être mauvais, ça ne change rien, pis c'est mauvais pour le karma. :o) Le nôtre et celui de la personne en face, qui de toute façon y est rarement pour quelque chose dans nos problèmes...
J'aime beaucoup te lire et découvrir l'envers du décor. Ton métier a l'air trépidant !
Rédigé par : Cely | 24 juin 2007 à 22:12
(non, je n'entrerai pas ici dans le débat de l'accès au train pour les personnes en difficultés financières).
--> et tu as l'intention de le faire dans une prochaine note ? J'aimerais beaucoup avoir l'avis d'une chef de gare sur ce sujet ô combien épineux..
A bientôt :-)
Koa la Grenouille
Rédigé par : Koa | 26 juin 2007 à 18:01
@ Jura(sic) : le stress ne devrait pas tout excuser... mais je crains que la casquette, de manière générale, suscite plus de hargne que de respect (quand je pense à ma grand-mère qui me menaçait d'appeler "le gendarme" on est bien loin bien loin :)
@ pousse-manette : je ne crois pas qu'il y ait un lien entre les changements sémantiques et l'agressivité montante... un phénomène de société plutot ?
@ ubique : merci à toi !!!
@ Fabr : le VIF je note je note (et envisage de déposer une innov' :)
@ Cora : l'avion c'est bien aussi !!! Evidemment côté sécurité ça rigole carrément moins... nous on peut encore prendre une bouteille d'eau et un jambon beurre loool
@ Cely : mais évidemment qu'il y a de quoi s'énerver !!! Nous sommes loin d'être bons tous les jours... (hélas). Et nous comprenons tous que les clients puissent être légitimement énervés ! Ce sont les excès qui passent difficilement et va donc parler de karma tiens à un super énervé... :(
@ Koa : un jour de "page blanche" peut être je pourrais envisager d'y penser mais en fait l'accès gratuit des défavorisés aux transports c'est à l'Etat de le décider, pas aux transporteurs (ou alors on ne leur demande plus d'être bénéficiaires hmmm).
Rédigé par : ophise | 27 juin 2007 à 23:10
phénoméne de société parizo-grandevillien ? à en lire les histoires d'urgences de pelloux (que je recommande a tout le monde) ça bastonne sévére aux urgences de saint antoine alors que chez moi ville beaucoup plus moyenne c'est plus tranquille ... la violence elle est plus "sociale" que envers les agents (même si ç arrive de temps en temps !!!) je en sais pas ce qu'il en est à la sncf ...en même temps la gare est un monde tellement spécial ...
Rédigé par : urgences matin | 29 juin 2007 à 00:06
Faisant moi même partie de ces fameuses "astreintes", je peux confirmer que ce n'est jamais facile d'accompagner un agent agressé.
Allez demander "comment ça va?" à quelqu'un qui vient de subir une agression physique au cours de laquelle il a réellement eu très peur (voire très mal) n'est pas une partie de plaisir.
Et le pire, c'est que l'agent agressé a tendance à s'excuser d'avoir provoqué votre dérangement... c'est du vécu.
Rédigé par : Guillaume | 29 juin 2007 à 18:43
Bonjour,
J'ai été agressé par un agent SNCF dans la gare de Lyon.
Enervé parce que je venais de rater mon train, je lui dis "c'est la faute de ce maire socialiste si ça roule mal, et cette compagnie est aussi bourrée de socialistes". Il me bouscule.
Je sors mon téléphone mobile pour prendre une photo, lui disant "vous êtes dangereux, je prends une photo pour porter plainte si vous recommencez". Il détruit mon appareil en vrillant et arrachant une des deux parties.
Cet agent a fait des déclarations mensongères à la police pour se couvrir.
Alors vous qui faites facilement la morale, que me proposez-vous, à quel service de la SNCF m'adresser pour ce problème ?
(il y a par ailleurs une plainte auprès de la police, mais je préfèrerais régler cela autrement)
Je peux bien sûr vous envoyer en privé plus de détails.
Rédigé par : laurent | 02 juillet 2007 à 09:16
Bonjour Laurent,
Je ne vois pas bien le lien entre rater son train, un maire socialiste et une compagnie bourrée de socialistes. Tout cela me semble bien compliqué...
Je vous conseille de vous rapprocher de la direction juridique de la Sncf, 34 rue du Commandant Mouchotte, 75014 Paris.
Rédigé par : ophise | 02 juillet 2007 à 23:19
Le lien est que je cherche ce qui a mis cet employé dans cet état de colère délirante. Cette colère est venue après ces mots de ma part, donc j'imagine qu'il y a un lien.
Foncer sur un client, puis littéralement vriller son téléphone portable pour empêcher une photo, même la police n'avait jamais vu ça.
Merci pour votre conseil, je vais voir avec eux.
Rédigé par : ganier | 03 juillet 2007 à 09:29
Merci pour ce billet, le personnel de la sncf en voit de toutes les couleurs contrairement à ce qu'en croit les usagers...
Rédigé par : Sissi | 11 août 2010 à 10:54